dimanche 22 décembre 2013

Une longue vie heureuse (долгая счастливая жизнь) seul contre tous ****

Boris Khlebnikov nous emmène de nouveau dans la Russie profonde, coincée entre la misère, la lâcheté et la corruption. Sasha, un jeune entrepreneur honnête, décide d'aider des fermiers contre un investisseur décidé à racheter leurs lopins de terre et les mettre au chômage. Mais tout le monde se débine et Sasha reste seul face aux vautours.


Cinéma social, réalisme, c'est ce que Khlebnikov sait le mieux faire, avec son acteur fétiche Alexandre Yatsenko. Ce dernier joue à merveille, mais ça manque un peu de rythme et d'originalité. Le film a au moins le mérite de parler de vrais problèmes et de dire les choses telles qu'elles sont. C'est émouvant de voir tant d'énergie dépensée pour un cinéma quasiment privé de public.

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Stalingrad (Сталинград) grotesque gâchis *

Je m'attendais à ce que ce soit mauvais et je n'ai pas été déçu. Incapable de lier son "histoire humaine" avec la grande histoire de la bataille, Bondartchouk en est réduit à tout expliquer en voix off avec un ton bouffit de solennité. La musique grandiloquente et omniprésente de Badalamenti  ajoute encore encore de la pompe à se filme qui gonfle, gonfle...

Les dialogues sortent tout droit d'un sitcom, pas un poil de réalisme dans ce film. Personne n'a peur, tout le monde est bien coiffé, ou proprement décoiffé. Les personnages russes sont loyaux, droits et courageux, les soldats allemands sont des pervers. L'épaisseur psychologique des personnages se mesure en nanomètres. Le film démarre avec des soldats soviétiques enflammés (au sens propre) qui se jettent en hurlant sur les lignes nazies, tels des zombies. Pour pallier à l'absence de réalisme, les acteurs sont contraints de hurler et de verser dans l'hystérie pour un oui ou pour un non. Cautères sur une jambe de bois. Bondartchouk use et abuse des effets spéciaux (ralentis, accélérés, etc.) images de synthèse, filtres. Plus m'as-tu vu tu meurs.

Tous les autres films tournés sur Stalingrad, même les mauvais, sont infiniment supérieurs à celui-ci. C'est vraiment triste que les plus gros budgets du cinéma russe aillent précisément aux réalisateurs les plus idiots, vénaux et serviles (Bondartchouk, Mikhalkov, même combat).

Pour ajouter à l'infamie, c'est ce film qui a été choisit pour représenter la Russie aux Oscars (du meilleur film étranger), et qui a bien entendu été éliminé d'entrée.

mardi 10 décembre 2013

Le géographe a picolé tout le globe (Географ глобус пропил) ***

Perm, Oural. L'épouse de Victor, une harpie, le quitte pour son meilleur ami. Il n'a pas un sou et s'engage dans l'enseignement, une vraie galère. Prof de géographie, il déteste la classe et s'imbibe de plus en plus. Il touche le fond au cours d'une sortie rafting facultative avec quelques élèves.

Tragicomédie provinciale emmenée par le très populaire acteur Konstatin Khabenski et réalisée par le médiocre Alexandre Veledinski, dont c'est de loin le meilleur film (ses oeuvres passées sont inregardables). On y retrouve une Russie provinciale oscillant entre la vodka et l'ennui, vaudeville et sentimentalisme. Le personnage de Victor est bien sympathique, on compatit aux malheurs qu'il boit jusqu'à la lie. Mais finalement, n'a-t-on pas déjà vu ce film dix fois, cent fois ? Que nous dit-il de nouveau sur la vie, la Russie, aujourd'hui ? Rien. Un moment agréable, sans longueurs, mais sans grandes émotions ni crise d'hilarité. Point de catharsis.



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lundi 9 décembre 2013

Parties intimes (Интимные места) misère sexuelle et cinématographique ***

Tentative d'analyse des problèmes sexuels d'aujourd'hui, ratée car dépourvue d'humour et d'originalité. Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov ont tenté de faire du cinéma d'auteur à l'européenne, mais le traitement reste prévisible et surtout ennuyeux. C'est filmé "à la Zvyaguintsev", c'est à dire lentement, avec des dialogues réduits au minimum, une photographie aussi sombre que possible. Les personnages sont bâtis sur des clichés : psychologue pervers, vieille fille puritaine et obsédée, mari impuissant homosexuel, etc. Faux départ pour les jeunes réalisateurs. C'est par contre joué correctement. Certains rôles exigent beaucoup de nudité, avec des corps forts éloignés des canons esthétiques actuels, et qu'on a peu l'habitude de voir à l'écran. Mais cette audace ne rachète pas le reste. Le film manque du courage nécessaire pour remonter à la source de la misère sexuelle. Dans la lignée des films de von Trier et de "Shame", "Parties intimes" montre le sexe de manière univoque, comme une source de honte, de problèmes, de souffrances. On regrette le cinéma des années 70 (Fellini, Meyer, Visconti, Ferreri, etc), celui de la Movida et de la Perestroïka, qui en disait davantage sur le sexe mais sans le vouer systématiquement aux gémonies.

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vendredi 6 décembre 2013

Gorko ! (Горько!) Collision fâcheuse entre Dogma et une comédie locale - ***

Le jeune réalisateur Jora Kryvojnikov filme un mariage dans la région de Krasnodar (Sud de la Russie) à la manière de Vinterberg dans Festen. A la "Dogma", caméra à l'épaule, montage basique, raccord-temps. Le cinéma populaire russe peut-il se marier avec l'avant-garde européenne ? Pourquoi pas... Dogma est depuis longtemps sorti de l'avant-garde. Avec un scénario solide et de bons acteurs, le résultat aurait pu être convaincant. Mais Gorko ! ("amer" - c'est ce que les invités hurlent aux jeunes mariés pour les forcer à se rouler des pelles) ne parvient pas à se hisser au-dessus de la masse des comédies russes destinées à la télé. Les acteurs manquent d'épaisseur, surtout le jeune couple (elle est l'épouse de Kryvojnikov). Au fond, c'est un film utile à regarder avant d'être invité à un mariage russe. Vous êtes préparés psychologiquement. "Mariage" de Lounguine, était bien plus drôle et tragique en même temps. C'était une plongée remarquablement précise et honnête dans la Russie effondrée des années 90. Gorko! est aussi un quasi-remake de la comédie britannique The Wedding Video sortie en 2012.

Gorko ! a fait un carton au box office russe. A coûté un million de roubles pour en rapporter (après juste deux semaines en salles) 25 millions. C'est sa qualité principale.

Fiche complète (en russe)