samedi 26 novembre 2016

Ученик (le disciple) : attention, religion ! **

Kirill Serebrennikov règle ses comptes avec la bigoterie rampante dans un film décevant à cause de caractères caricaturaux évoluant dans un cadre manichéen.

Un jeune homme s'éprend subitement du texte de la bible et perturbe profondément son environnement (principalement, un lycée russe). Du psychodrame émergent un bouc émissaire, une victime sacrificielle, un menteur fanatique et un choeur de pleutres. En toile de fond, la Russie (les scènes clés se déroulent sous la photographie de Vladimir Poutine, de sorte que le plus idiot des spectateurs ne puisse louper le message). Une Russie désorientée par plusieurs virages idéologiques à 180°, qui n'ayant pas trouvé de maître à penser, se complaît désormais dans la bigoterie et le panurgisme. L'école se refuse à défendre Darwin et ouvre les bras au créationisme. Incapable de résister au fanatisme d'un élève, elle s'effondre comme un château de carte. Les adultes deviennent hystériques, mais - seul élément rassurant du film - la jeunesse observe le drame avec un mélange de moquerie et d'indifférence.



La crise provoquée par le jeune homme dans un microcosme ennuyeux, fait penser au Théorème de Pasolini, mais renversé. Le problème central du film, c'est que les caractères sont peu crédibles et que, par réaction, les acteurs surjouent pour tenter de donner de l'épaisseur à leurs personnages. Au final, on obtient du théâtre de province filmé. Serebrennikov reste un metteur en scène animé de bonnes intention, non dénué d'humour, mais très inégal. Le message du film est trop évident, "in your face", mais la démonstration est faible et déssert la cause.

mercredi 16 novembre 2016

Sous les rayons du soleil (В лучах солнца) Les coulisses poisseuses de la Corée du Nord

Vitali Manski a réussi l'exploit de tromper les propagandistes de Corée du Nord en prétendant filmer un documentaire sur la vie merveilleuse d'une jeune fille modèle, en suivant à la lettre un script écrit par PyongYang. En laissant tourner sa caméra en dehors du script, il a sauvé des images montrant l'envers du décor.

Second exploit, Manski a pu diffuser son film dans quelques salles moscovites, malgré une circulaire menaçante du ministère de la culture de Moscou. Plusieurs salles ont décliné, d'autres ont eu le courage de projeter ce film au public. Moscou craint-il le courroux de PyongYang (extrèmement mécontent évidemment d'avoir été piégé) ou s'est elle effrayée qu'on puisse tracer des parallèles avec la propagande russe ?

Sous les rayons du soleil suit le quotidien d'une jeune fille nord coréenne sous les conseils obtus d'un commissaire politique et d'un groupe de propagandistes sous doués. Manski ne nous épargne pas les répétitions, les prises ratées et le lavage de cerveau allant de pair avec l'imbitable idéologie "Juche" s'infiltrant dans tous les recoins de l'existence. C'est assez pénible et soporifique.
L'un des aspects les plus réussit du film est la capture des émotions de la jeune fille, quand son esprit lutte contre le lavage de cerveau et contre le desespoir d'une vie totalement morne. Les adultes portent tous un masque Juche excluant toute émotion sincère.
Manski réussit une belle photographie entre les images volées et les cadres pompeux, les travellings astucieux et les gros plans insidieux. Ayant moi-même mis les pieds en Corée du Nord, j'imagine l'étroitesse du contrôle sur l'équipe russe, car les plans volés sont rares et la saleté, la misère et l'arriération du pays se voient finalement assez peu dans le montage final.
Le point noir du film est sa musique originale : un quatuor à corde jouant une partition romantique larmoyante et sans imagination, qui aurait pu accompagner un documentaire sur la Baltique, mais certainement pas les coulisses d'un monde à la fois cauchemardesque, exotique et totalement gris. Par contraste, les percussions traditionnelles nord coréennes entendues lors des leçons de danse sont infiniment plus riches et illustratives du propos.