dimanche 21 novembre 2010

Счастье моё / Ma Joie (2010) Au coeur des ténèbres *****


  • Drame de Sergueï Loznitsa, avec Виктор Немец, Владимир Головин et Ольга Шувалова
Difficile de donner une image plus sombre de la Russie. Un mystérieux passager prend place aux côté d'un camionneur (notre personnage principal) et lui raconte les circonstances dans lesquelles il a perdu son identité. A partir de là, notre camionneur et sa cargaison vont de déboires en déboires, s'enfonçant dans le bourbier russe, comme si une malédiction pesait sur cette terre et sur ces hommes.

Ma joie démarre comme un road movie, mais le camion s'enlise rapidement dans les marécages. Des personnages sinistres et maléfiques monopolisent la caméra et mettent en pièce tout espoir.



Sergueï Loznitsa est un documentariste de nationalité ukrainienne. Ma Joie est sa première fiction. Le film a été remarqué par les critiques dans plusieurs festivals (Kinotavr et Rotterdam). C'est indéniablement un bon film qui va à contre courant des efforts russes pour améliorer l'image du pays. Tous les clichés y passent : criminalité omniprésente, pauvreté  obscène de la Russie profonde, corruption totale des forces de l'ordre, prostitution des jeunes filles, absence de compassion et de solidarité... pas un pour racheter l'autre. Sont-ce réellement des clichés ? "C'est exagéré, tout est exagéré" me dit ma compagne moscovite, qui n'a guère arpenté la Russie profonde (gloubina). Loznitsa aura du mal à trouver des fonds en Russie ou en Ukraine pour tourner des films, et il a fait preuve d'un certain courage pour monter ce film d'une noirceur comparable seulement à Grouz 200 de Balabanov. Qu'importe, il aura des financements européens, car son talent est indéniable pour élever un destin tragique au rang de fable. La critique sociale explose aux yeux du spectateur. C'est un film moraliste, à l'inverse de Twentynine Palms auquel il ressemble, du moins par sa fin. Les deux flashbacks dans le passé stalinien du pays indiquent clairement au spectateurs où se trouvent, selon Loznitsa, les racines du mal. En revanche, rien n'indique l'existence d'une quelconque possibilité de guérison.

C'est un film terrifiant. Tout est absolument réel, familier à ceux qui connaissent le pays. Ma Joie serait à la Russie rurale ce que les Dents de la Mer sont aux plages de Floride si le pays avec un tant soit peu d'attrait pour les touristes. Mais seule une poignée de secoués comme moi ressentent le besoin de s'aventurer au-delà du périphérique de Moscou.

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