vendredi 14 décembre 2012

я тоже хочу Moi aussi je veux... crever de bonheur ****

Alexeï Balabanov nous fait peur : c'est son dernier film. C'est la fin du monde. Le bonheur ? C'est la mort. Le désir conduit à l'anéantissement.

Pour un étranger, Balabanov épouse fidèlement le cliché de l'artiste russe désespéré, volontiers attiré par le surnaturel, et en même temps parfaitement cynique, porté à la satire radicale de la société.

"Je veux aussi", ce sont quatre hommes chaudement habillés accompagnés d'une jeune fille nue. Tous se précipitent vers un bonheur mystérieux, une zone irradiée, dont personne n'est jamais revenu. Tous croient être choisis pour connaître le bonheur, mais seuls quelques uns sont élus. Par qui ? Balabanov ne nous le dira pas. Car ce n'est pas l'objet.

Les personnages incarnent plusieurs archétypes de la Russie d'aujourd'hui : deux bandits, dont un alcoolique, un vieil homme abattu, un artiste taciturne, et une jeune fille improbable (médiocrement interprétée) à la fois comme prostituée et étudiante en philosophie. Ce qui apparaît immédiatement, c'est qu'elle est très malheureuse et naïve. Au point qu'elle n'hésite pas à se dénuder complètement, ni à courir ainsi des dizaines de kilomètres dans la neige, lorsqu'on lui explique que c'est l'unique voie vers le bonheur. Pour le plus grand plaisir des spectateurs, qui vous le savez comme moi, sont au fond des voyeurs sadiques.

Balabanov traite simultanément plusieurs sujets. Premièrement, il s'agit d'une transposition à l'époque moderne de STALKER, le chef d'oeuvre de Tarkovski. L'idée est la même (zone interdite irradiée, phénomène surnaturel), mais les temps ont radicalement changés. L'Etat totalitaire est devenu impuissant : tout le monde peut pénétrer dans la zone. Le stalker a aussi disparu en temps que personnage. Il n'y a pas de guide pour mener les aventuriers. Ceux-ci ne recherchent plus la vérité, ils cherchent le bonheur. Cette quête ne va pas les transformer : ils vont simplement disparaître, de deux manières différentes selon qu'ils soient élus ou non.

La magie a presque disparu. Balabanov veut nous dire quelque chose sur l'église, de pas très agréable, sans doute. Visiblement, il n'est pas doué pour la foi. Il ne croit pas, et s'étonne ((c'est un euphémisme) d'observer la foi chez les autres. Le lieu magique est une église orthodoxe. Oui, mais elle est détruite, et on ne voit pas un seul pope durant tout le film. Ils ont disparu, sont impuissants comme le pouvoir. Ce n'est pas l'église, ni Dieu, que cherchent les gens, c'est le bonheur. La Foi a perdu toute dimension sacrée ou chrétienne. L'église a perdu sa fonction de guide.

Et l'on aperçoit à la fin du film Balabanov, au pied de l'église détruite, qui n'a pas su trouver le bonheur, qui n'est pas élu. Parce qu'il n'arrive pas à croire. Balabanov joue son propre rôle. Il se présente : "réalisateur, membre de l'association internationale des metteurs-en-scène". Puis tombe et meurt. Il a prévenu : c'est son dernier film. Il est malade, ou déprimé, ou las.

On le sent en regardant ce film trop long et qui ne débouche pas sur une réflexion maîtrisée. Balabanov laisse les choses en plan. Avec un tact certain, il suggère au spectateur de développer sa propre réflexion et de tirer les conclusions lui-même. Intention louable, mais on sent aussi qu'il n'a pas suffisamment travaillé les personnages, ni le scénario. Lassitude de la vie ? On reste vraiment sur sa faim parce que les personnages n'ont rien à dire. Les Russes de Balabanov restent bruts de décoffrage, impulsifs, à la limite de l'idiotie et du caricatural, profondément secoués.

La musique est presque aussi envahissante et inutile que dans Kotchegar, son film précédent (un affreux ratage). On ne comprend pas ce qui lui a pris d'inonder les 20 dernières minutes avec des bruitages de film fantastique (sifflements, grondements, hululements) totalement redondants.

Je veux croire que ce n'est pas le dernier film de Balabanov. Je veux croire que le courageux réalisateur de "Grouz 200" guérira de sa maladie ou de sa dépression pour ouvrir les yeux des Russes sur le monde.

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Mise à jour :
Malheureusement, son pressentiment était juste. Balabanov nous a quitté le 18 mai 2013. Il travaillait sur le projet d'un film consacré à la jeunesse de Iossif Vissarionivitch Staline. Titre de travail "Koba" (surnom de jeunesse de Staline). Une terrible perte pour le cinéma russe. C'était un homme aux idées très controversées, mais il avait un courage sans équivalent et des intuitions extrêmement pertinentes.

mardi 4 décembre 2012

La Horde [Орда] Le patriarche s'essuie les pieds sur les Tatares **

Alexandre Prochkine nous raconte combien la Russie a souffert sous le joug de la Horde d'Or et à quel point les Mongols sont des êtres brutaux et hostiles. On ne peut pas lui ôter une franchise dans son discours. Ce n'est peut-être pas du courage à proprement parler, car son film a été produit par une émanation du Patriarcat de Moscou. Le héros est un prêtre contraint d'aller soigner la mère du Khan, victime de cécité. La magie du bon dieu chrétien ne va pas marcher (évidement, con! elle n'est pas baptisée !) et notre héros atterrit au goulag tatare, punit par un Khan dépité.


Donc, les Tatares sont des barbares, ils ramassent avec ferveur les crottes du cheval du Khan, la vie ne vaut pas un clou, se trahissent dès que possible, et font preuve d'une cruauté sans limite envers les Russes.
Les Russes, qui souffrent, victimes de leurs voisins sanguinaires, c'est la quasi totalité des films de guerre ou d'action russe ! Tatares, Mongoles, Nazis, Napoléon, Tchétchènes, Afghans, Turcs... les Russes ont traversé l'histoire par miracle et s'ils dominent le plus grand territoire de la planète, c'est sans doute parce que le bon dieu leur a accordé une récompense pour leur bonté et de leur amour des peuples voisins !


Mais je m'égare. On s'ennuie beaucoup dans ce film fabriqué sur un scénario médiocre. Le prêtre souffre mille morts mais ne perd pas la foi (la preuve qu'il faut être soit cinglé soit cynique pour faire de l'orthodoxie son métier). La reconstitution de la capitale de la horde est grotesque (on se croirait en Afrique du Nord, les baraques en glaise ne tiendraient pas jusqu'à novembre), les effets spéciaux ont été confiés à un pizzaïolo (les blessures au visage du pope ressemblent étrangement à une pizza au salami). Bourré de clichés (les deux personnages Occidentaux sont comme toujours des imbéciles finis, absolument incapable de comprendre quoi que ce soit à la mystérieuse Russie), joué au knout et diablement ennuyeux.
Ne vous laissez pas tenter : il n'y a pas un poil d'érotisme dans ce film

Un grand "bravo" pour le sous-entendu xénophobe de la fin, lorsqu'un Tatare pétri de respect pour le prêtre, refuse l'invitation polie d'accompagner le religieux jusqu'à Moscou et déclare que sa place est dans la steppe. Vous avez compris le message, vous les immigrés... oui... vous, les bridés ! On vous aime bien... quand vous restez chez vous !

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dimanche 25 novembre 2012

Духless : libre comme une ordure **

ça commence comme une satire très faux cul de la rapacité capitalistique dans laquelle Moscou se vautre depuis 20 ans. Et ça se termine par notre héros, jeune banquier prometteur, broyé non seulement par l'impitoyable monde matérialiste, mais également au sens propre, dans un camion ordure. Malheureusement, le réalisateur ne trouve pas le courage d'achever son film sur cette trouvaille hilarante, qui aurait en partie racheté le médiocre scénario. Non, il fallait qu'il survive dans la décharge, recevant en plus le message romantique de sa copine révoltée et incarcérée (allusion péniblement lourde à Pussy Riot).
C'est un film hypocrite bien trop obsédé par les marques et le glamour pour avoir sincèrement envie de critiquer le consumérisme. On est assommé de pubs et de clichés dans ce film monté comme un clip, avec tous les emprunts possibles et imaginables aux films américains traitant du même sujet. Tous les poncifs du genre : grosses voitures filmées façon pub, accélérés, ralentis, montage ultra rapide. Écœurant au possible.

Духless est l'adaptation fidèle dans l'esprit d'un bestseller russe remontant à 2005. Le livre était déjà illisible et suintant de cette même critique faux cul des valeurs actuelles.

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Dans la brume (В тумане) mortelle impasse ****

Pour sa troisième fiction (une adaptation de Vassili Bykov), le réalisateur Serguei Loznitsa nous emmène dans le maquis biélorusse, en 1942. Les nazis font une farce macabre à Sushenya en le relâchant alors qu'ils ont pendu ses trois compères publiquement. Sushenya, qui a refusé de collaborer avec les nazis, sait qu'on le regarde désormais comme un pestiféré. Y compris sa femme. 2 maquisards viennent le chercher chez lui pendant la nuit pour le liquider. Il ne résiste pas. Sushenya, se résigne à une fin sordide.

Les films de Loznitsa nous emmènent au fond du désespoir. Ca commence toujours mal, et ça finit dans une apothéose catastrophique (voir Ma Joie). Mais à la différence de son précédent film baigné d'un nihilisme radical, Loznitsa nous montre ici qu'en dépit de la fatalité, certains individus persévèrent à agir selon des principes moraux. Même si cela n'a pas de sens. Autrement dit, l'absurdité du monde est indiscutable. Elle est un fait. Néanmoins il faut vivre et mourir de manière juste. Le peuple traverse la guerre en prenant des coups de tous les côtés. La plupart se comportent comme des merdes ou des lâches, tandis que d'autres continuent dans la probité, ce qui les précipite vers une mort d'autant plus rapide et certaine.

Le film suggère plus qu'il ne dit cette morale. Il n'y a que très peu de dialogues, pas de musique, pas d'artifices. Loznitsa ne cherche pas à construire des montées d'intensité. L'issue est claire dès le début. Les plans sont longs, les pensées se lisent sur les visages des interprètes. La tragédie se noue dans nos têtes. Le spectateur doit tirer les conclusions lui-même.

J'ai vu le film un samedi soir, deux jours après la sortie moscovite. La salle était au deux tiers vide, tandis que des daubes remplissaient les autres salles à raz bord. S'il fallait une preuve supplémentaire de l'absurdité du monde...

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lundi 19 novembre 2012

Jusqu'à ce que la nuit nous sépare (Пока ночь не разлучит) comédie de moeurs ***

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Boris Khlebnikov (Koktebel, Nage libre, Aide folle) signe ici un film peu passionnant, mais qui passe vite. Lorsque la grande baston finale clôt le film, on se demande encore quand est-ce qu'il va passer le prologue. Le film se base sur des bribes de discussions récoltées dans un grand restaurant moscovite. Vous allez donc, spectateurs, observer ce qui préoccupe la classe russe aisée. C'est d'autant plus paradoxal, car Khlebnikov est complètement fauché, n'a pas payé ses acteurs (leur promettant simplement un pourcentage au cas où le film gagne de l'argent). Ce qui n'est évidemment pas le cas. A sa décharge, ils ont tous des rôles minuscules et faciles (j'imagine que certains étaient prêts à payer pour pouvoir se friter légalement entre acteurs !).


Khlebnikov nous avait habitué à filmer plutôt les Russes fauchés, perdus, grillés ou qui se dirigent à grands pas vers une situation complètement désespérée. Est-ce par désespoir de ne plus trouver de financements pour ses films qu'il s'est résolu à filmer l'univers glamour des gens friqués ? La rage qui saisit les clients du restaurant illustre plutôt à la sienne, de cinéaste, dans un pays tombé entre les mains de personnes préoccupées uniquement par la réussite matérielle. Où on en est réduit à filmer à l'oeil des acteurs célèbres parce qu'il n'est pas possible de financer correctement le cinéma d'auteur.

mardi 13 novembre 2012

Festivals : Honfleur & la Semaine du Cinéma russe

Le mois de novembre offre comme chaque année deux rares occasions pour les cinéphiles français de voir les dernières sorties de films russes.

Regards de Russie
du 14 au 20 novembre 2012 au cinéma « l’Arlequin » (76 rue de Rennes - 75006 Paris, Métro St Sulpice). 
et dans la foulée :


Le XXe Festival du Cinéma Russe à Honfleur

du Mardi 20 au Dimanche 25 Novembre 2012

Les programmations des deux festivals comptent plusieurs films en commun, ce qui va ôter à quelques parisiens le désir de pousser jusqu'à Honfleur. 


Commençons par la semaine du cinéma russe à Paris. Le festival ouvre avec le dernier Lounguine "Le Chef d'orchestre", dont nous avons parlé (sans grand enthousiasme) dans ce blog le mois dernier.

L'actrice et réalisatrice Renata Litvinova est également en vedette avec "Le dernier conte de Rita", une fable très personnelle de l'actrice la plus maniérée et la plus surprenante du cinéma russe. Nous en reparlerons bientôt.
Autre film intéressant : "Les désoeuvrés" du prometteur Andreï Zaitsev. Il n'a pas su entrer de plain pied dans la fiction, sa réalisation reste trop empreinte de tics documentaires, mais ce film reste une des productions les plus intéressantes de l'année qui s'achève. 

Je n'ai pas vu les trois films sélectionnés à Paris mais pas à Honfleur (Le face à face, de Sergueï Komarov  ; le papillon d'acier de Renat Davletiarov et le Transfert d'Alexeï Mizguirev. J'ignore même s'ils sont déjà sortis à Moscou. La semaine parisienne présente aussi deux court-métrages et quelques films pour les enfants. Enfin, les amateur d'Alexandre Sokourov pourront voir ses deux oeuvres les plus intéressantes (mais aussi les plus ardues) de la décennie passée (Faust, 2011) et (Soleil, 2004).


Passons maintenant à Honfleur


Le festival fête cette année ses 20 ans et accordera pour l’occasion une place importante à l’histoire. Pour contrebalancer ce sujet si sérieux, une importante programmation de films d’animation est offerte au jeune public. Histoire de prouver que l’école russe d’animation conserve tout son pouvoir de fascination et sa force poétique, malgré une diffusion restreinte. Sept films font partie de la sélection officielle. Une seconde sélection présente quatre premiers films. 


La sélection “Un nouveau regard sur l’histoire” va révéler au public français la manière dont les cinéastes russes racontent le passé. Et c’est symptomatique : trois films sur la 2ème guerre mondiale, un film inspiré par la récente guerre avec la Géorgie en 2008. Et le “Concert”, une coproduction franco-roumaine avec l’acteur Alexeï Gouskov très remarquée par le public français lors de sa sortie en 2009. Ce dernier sera présent au festival avec son nouveau film “4 jours en mai”, qui fait partie de la sélection principal. Ce film - également centré sur un épisode douloureux de la seconde guerre mondiale - ne devrait pas à Honfleur susciter des débats aussi houleux qu’en Russie. Les autres oeuvres sélectionnées - à l’exception de “l’admiratrice”, inspirée de la vie d’Anton Tchekhov - se déroulent dans le monde contemporain. “Kokoko” d’Avdotia Smirnova raconte la collision entre une intellectuelle péterbourgeoise un peu coupée des réalitées et une provinciale dévergondée mais fauchée. Elles s’éprennent l’une de l’autre, mais les hommes sèment des embûches dans leur amitié improbable. Une comédie sans prétention où le talent de la pétillante Yana Trovanova saute aux yeux. “La Journée d’un prof” de Sergueï Mokritsky suit également l’évolution d’un modeste intellectuel, celui-là bien au contact de la réalité russe, et qui proteste contre la dégradation de la culture, avec des côté Don Quichotte. “Voilà ce qui m’arrive”, de Viktor Shamirov, parle sur un ton léger, ironique, d’une toute autre catégorie d’individus : les parvenus moscovites. Gocha Koutsenko, acteur très populaire, incarne un père pris dans les difficultés de communication avec sa fille, qui doute des valeurs matérielles et qui semble gagné par une nostalgie de la Russie soviétique. Un film clairement associé à la tradition des toiles du Nouvel An, c’est-à-dire des comédies intemporelles. Dans “Je serai près de toi”, on passe à la tragédie lacrymale. Le destin brise la vie d’Inna, jeune mère célibataire, atteinte d’une maladie incurable. Il lui reste peu de temps pour trouver les parents adéquats capables d’adopter son fils. “Récits”, de Mikhaïl Segal, touche au thème de la littérature et à son influence mystérieuse et irrésistible sur la vie de personnages contemporains. Une comédie légère avec un scénario original soulignant les liens étroits entre les Russes et leur littérature. Les grands romans russes n’ont ils pas fortement contribué à modeler ce pays ? Certainement davantage que le cinéma, en tous cas.
 

Dans la catégorie des débuts, la sélection est inégale. “Ils sont tous partis” est l’excellent démarrage dans la fiction d’un réalisateur au nom exceptionnel : Gueorgui Paradjanov. Neveu du génial Sergueï Paradjanov, réalisateur iconoclaste (Chevaux de feu, Couleur de la grenade) et dissident connu dans le monde entier. Gueorgui poursuit sur les traces de son oncle avec une oeuvre originale, métissage arménien et géorgien, recherche des racines, poésie indescriptible et folie toute caucasienne. “Ivan atomique” est une comédie passable visiblement destinée à rassurer le public russe sur l’inocuité de l’énergie nucléaire. “Sa fille”, d’Alexandre Kassatkine et de Natalia Nazarova, est un drame émouvant sur le deuil d’une jeune femme dans la province profonde. Ce film a déjà remarqué et récompensé par la critique, avec un meilleur prix du premier film au festival Kinotavr de Sotchi et un prix de la critique FIPRESCI à Varsovie cette année. Reste à réunir les conditions pour que ce film rencontre un public nombreux hors du circuit honorable mais peu rentable des festivals. Espérons qu’il trouvera un distributeur français courageux à Honfleur !

vendredi 2 novembre 2012

Infidélité (Измена 2012) Un soupire de Bergman *****

Le film devait au départ s'appeler "le châtiment". Mais finalement, l'auteur est revenu à l'essentiel. Bouleversé par un cocufiage, qui l'a placé devant un sombre aspect de l'être humain : son altérité ontologique. Vous aimez et vivez avec quelqu'un pendant 10 ans, et un beau jour, vous découvrez qu'il vous trompe et qu'il n'a pas la moindre intention de le reconnaître, de l'avouer, de s'expliquer ou de s'excuser. Le réalisateur Serebrennikov ne cache pas qu'il a trouvé l'inspiration de ce film (qu'il a co-écrit avec Natalia Nazarova) dans sa vie personnelle.
Tout l'intérêt vient de là. Vous êtes tout d'abord trompé, puis vous trompez vous-même. C'est comme une maladie contagieuse. Certains trompent les autres depuis l'enfance, d'autres y cèdent après en avoir été victime. Le film a perdu son nom de "Châtiment" parce qu'il est devenu évident que la tromperie s'est généralisée à tous les protagonistes. Châtier devient absurde. Pas de morale ici, on observe, on cherche à comprendre et on se résigne. Serebrennikov laisse entendre que le cocufiage auquel il a été confronté dans la vraie vie est lié à l'Internet, et donc aux réseaux de rencontre. Il n'en est pas du tout question dans le film, qui ne se perd pas en "comment" et "pourquoi". C'est la conséquence de la tromperie qui l'intéresse.

L'histoire
Un homme (Dejan Lilic) se rend chez le cardiologue (Franziska Petri) pour une consultation de routine. De manière totalement inattendue et avec une totale froideur, elle lui révèle que son mari à elle la trompe avec son épouse à lui. Secoué, il sort de la clinique et échappe de peu à un terrible accident de la route (un 4x4 percute un abribus et tue 4 piétons. Un quadrilatère amoureux se forme, puis un cube...

Le film repose sur les épaules de Franziska Petri, figure bergmanienne : mystérieuse, puissante mais ravagée de l'intérieur. Son long visage et ses yeux en amande, sa beauté diaphane couplée avec une féminité mûre subjuguent et la caméra et le spectateur. Ses traits ne sont pas ordinaires (ma compagne me chuchotait au début du film "mais qu'elle est laide", avant d'admettre à la moitié du film qu'elle avait finit par la trouver ravissante), ni son jeu bien éloigné des excès devenus la règle dans le cinéma russe. Les autres acteurs sont éclipsés, même si leur travail reste tout à fait honorable.

Pas moyen d'éviter la comparaison avec Elena, de Zvyagintsev. La photographie y ressemble étonnamment, jusque dans le choix des décors. L'objectif était identique : ne pas faire le portrait d'une Russie d'aujourd'hui, mais aller à l'universel. Nous sommes de tout évidence dans un décours russe (architecture soviétique de l'hôtel, goût "nouveau russe" des intérieurs, flics"), mais l'accent n'est pas du tout mis sur la spécificité du pays. C'est la duplicité de l'âme humaine qu'on filme avec des longs plans filmés à l'épaule, en très très gros plan. Serebrennikov ne mégote pas quand il s'agit d'intimité. Un grand soin est apporté aux scènes de sexe, sans hypocrisie ni voyeurisme bêtasse. Il y a aussi un peu de Kubrick dans l'utilisation de la musique et les angles de prise de vue extrêmement soignés.

Le film tranche avec les précédentes oeuvres de Serebrennikov (théâtre comme cinéma). Plus un poil d'humour, guère de fantaisie. Même s'il cache mal ses influences, le nouveau cinéma de Serebrennikov indique une évolution maîtrisée et de formidables capacité à dévoiler l'âme humaine. Du grand cinéma.




lundi 15 octobre 2012

Dau, le film le plus attendu des années 10

Après le phénoménalement bizarre "4", Ilia Khrjanovsky, jeune réalisateur d'avant-garde, s'est engagé dans un long projet, une biographie du scientifique soviétique méconnu Lev Landau. Le tournage ultra secret s'est achevé au bout de trois ans à Kharkov (Ukraine) en 2011. Avec un budget non moins phénoménal pour un film d'art et d'essai russe ($10 millions). Depuis, silence complet sur la production. J'ai parlé avec l'acteur principal, le mégalomane Teodor Сurrentzis (un chef d'orchestre exceptionnel) et été à Perm, et il m'a avoué ne rien savoir de l'état d'avancement du projet ni de la date de sa sortie.
Ce qu'on sait, c'est que les milliers d'acteurs, figurants et techniciens, ont vécu pendant trois ans dans une espèce de reconstitution de l'époque stalinienne, avec cartes de rationnement, NKVD et tout le tintoin. Une plongée dans la terreur, le culte de la personnalité et la mégalomanie. Ilia Khrjanovsky m'a fait une énorme impression en 2004 avec son premier film. Il a su filmer l'univers fantasmagorique de Sorokine, déployant une imagination (je me répète) phénoménale.
Nous savons maintenant que "Dau" est en post-production, mais la date de sortie est toujours tenue secrète. Voici quelques photos pour saliver.

dimanche 14 octobre 2012

Alien (Чужая, 2010) Voyage au bout de nuit ****

En raison de la pénible saturation du thème de la seconde guerre mondiale dans le cinéma russe, je fais une petite pause pour parler d'un film sorti en 2010 dans une relative indifférence, non méritée. Alien contient également un forme d'exutoire du passé, mais celui-ci est plus proche : les chaotiques années 90.
Alien est une prostituée ukrainienne travaillant à Prague, dont le tueur de frère, arrêté par la police ukrainienne, risque de baver et de faire tomber quelques huiles. Pour empêcher ça, un groupe de criminels est chargée de la ramener vivante à Kiev, comme garantie pour que le frère ferme sa gueule. Mais Alien s'avère être d'une férocité et d'une intelligence inégalée, plongeant les opérations dans le chaos et la violence.

Violence est un mot-clé de ce thriller mafieux très réussit. De bout en bout, la noirceur ne fait qu'épaissir, grâce à une réalisation magistrale, à des dialogues pertinents et à un choix d'acteurs très précis. Il y a du Peckinpah et du Kitano là-dedans. C'est à mon avis une des meilleures écranisations des années 90, grâce aussi à un choix judicieux des locations de tournage (formidable et gigantesque épave sur les bords de la Mer Noire). Le plus impressionnant, ce sont les gueules des mafieux. La distribution fait des merveilles et donne au film une crédibilité souvent absente des films d'action russe.

Il y a deux exceptions toutefois. "Choustry" (Tkachev) , le beau gosse blond, passe mal dans son rôle de voyou. Il est tout simplement physiquement trop joli. Alien (Romanytcheva) déçoit un peu aussi... trop belle, trop lisse. Elle se donne du mal, mais ressemble trop à Milla Jovovich et ne parvient pas à me convaincre. Il faudrait quelqu'un qui sache faire suinter le mal à travers sa peau.

Le réalisateur Anton Bormatov montre qu'il pourrait être exploité avec plus de bonheur (il tourne surtout des séries sans intérêt). Il n'a pas atteint le niveau de Balabanov avec son Jmourki, mais son film se place aux côtés de Boomer, et devrait figurer comme dernier parmi les films cultes sur les années 90.

samedi 13 octobre 2012

4 дня в мае (4 jours en mai, 2011) hérésie au culte patriotique ***

Ils sont dressés sur leurs ergots. Fulminent contre un film présentant l'armée rouge sous un angle peu honorable. Tous les bien-pensants que compte la Russie d'aujourd'hui, enrubannés dans leur Saint-Georges orange marron, versant des larmes de crocodile sur les vétérans de la Seconde Guerre Mondiale (qu'on appelle à Moscou, il est toujours utile de le rappeler, la "Grande Guerre Patriotique"), le doigt sur la couture du pantalon dès qu'un pompeux discours sur ce thème est prononcé par les vaillants chefs guerriers du Kremlin. Les derniers vétérans crèvent dans la misère, mais le culte soviétique, lui, est bien agressivement vivant.
Voilà pour le contexte expliquant la polémique insensée autour de ce modeste film germano-russe , où l'on suit une poignée de soldats de l'Armée Rouge chargés de (l'impossible) mission d'arrêter tout un détachement de la Wehrmacht, au lendemain de la capitulation nazie. Ces derniers n'ont ni envie de combattre, ni envie de se retrouver prisonniers de Staline, pour être envoyer en Sibérie. Ils tentent de rejoindre le Danemark pour y être fait prisonniers par les Américains. Là-dessus, un très antipathique général de l'Armée Rouge survient avec sa division blindée et entreprend de violer quelques filles allemandes dodues, ce qu'un supra vertueux colonel vétéran, commandant la poignée de soldat sus citée, l'empêche de faire. Par la force.
On sait que des centaines de milliers de viols d'allemandes ont été commis par les soldats de l'armée rouge après la capitulation. Que ces crimes ont été couverts par Staline lui-même ("il faut laisser nos soldats se divertir"), refusant d'instaurer dans l'armée triomphante un code de conduite digne vis-à-vis des populations civiles occupées. C'est vrai que les Rouges n'auraient de toute façon jamais pu égaler les Boches en terme d'ignominie, mais en termes moraux, ce crime de Staline a eu de nombreux échos plus tard... c'est un autre sujet.
Toujours est-il que le film a été attaqué de toutes parts non sur ses qualités cinématographiques (modestes, acceptables), mais sur l'absence de "preuve historiques des événements décrits". Un argument pour le moins paradoxal, s'agissant d'une oeuvre de fiction. En outre, il n'y a qu'un seul soldat de l'Armée rouge qui soit antipathique dans le film (un général, il est vrai), tandis que le groupe des huit soldats défendant les civils allemands fait preuve d'héroïsme désintéressé (ils savent que le NKVD leur réserve une place au Goulag). Le comportement très digne du détachement de la Wehrmacht ulcère beaucoup de monde, c'est vrai que c'est un choix controversé, car les faire apparaître uniquement sous un jour positif n'est pas habituel (ni même vraiment justifiable). Après tout, le film ne raconte pas la guerre, mais uniquement les 4 journées qui ont suivies la capitulation, et dans un périmètre précis (la côte balte).
Que dire de l'aspect artistique ? C'est bien joué, réalisé avec précision, de facture traditionnelle. Usage de la musique très bateau. Belle photographie. Jeu inégal des acteurs (Gouskov est bien sûr irréprochable), surtout du côté allemand. Un film qui somme toute ne se justifie qu'à cause d'un trou de mémoire côté russe.

Режиссер: Ахим фон Боррис
Продюсеры: Алексей Гуськов, Олег Степаненко
Сценарий: Ахим фон Боррис, Эдуард Резник
Оператор: Бернд Фишер
В ролях: Алексей Гуськов, Григорий Добрыгин, Андрей Мерзликин, Павел Вензел, Сергей Легостаев

jeudi 11 octobre 2012

Дирижёр (Chef d'Orchestre, 2012) Lounguine s'enfonce dans le pafos ***

Un célèbre chef d'orchestre russe se rend à Jérusalem pour diriger la Passion selon Matthieu (pas celle de Bach, malheureusement) et accessoirement pour y enterrer son fils, qui vient de s'y suicider. Parallèlement, un chanteur du concert drague une touriste blonde qui va périr dans un attentat-suicide.
C'est le 4ème film de suite du formidable Pavel Lounguine... à n'être pas formidable du tout. Il n'y a plus d'humour, plus d'absurde, plus de réalisme. Toutes ces qualités ont été remplacées par une pesante religiosité, tourments de l'âme dostoïevskiens, et une solennité qui était jusqu'à "parents pauvres" totalement absente de son oeuvre. Quel dommage ! Les acteurs sont toujours bien choisis et dirigés, mais on regarde ce film sans plaisir. Mais je garde espoir, je pense qu'il reviendra un jour à l'humour et au réalisme décapant du début de sa carrière.
Et cette musique, sur laquelle est construite le film, la musique exécutée lors du concert de Jérusalem. Cette musique déborde de partout, noie le film du début à la fin dans un gluant et pompeux pastiche de Jean-Sébastien Bach. Le Mitropolite Ilarion est l'auteur de cette nouvelle "passion selon Saint-Matthieu" et c'est vraiment triste. D'être à ce point réactionnaire, laborieux, dépourvu d'imagination. Ce ne sont que des marches harmoniques "à la...", du contrepoint besogneux. Nullissime ! Comment Lounguine a-t-il pu accepter d'utiliser une partition aussi pauvrement imitative du génie de Leipzig ? Il faut vraiment être totalement dépourvu de culture musicale pour ne pas voir l'imposture. Du Bach terne au possible, chanté en russe. Pauvre Russie qu'on force à acclamer des baudruches pareilles. Du faux baroque russe !!! Pas besoin d'être adepte de la secte boulézienne pour être écœuré par la moisissure avancée. C'est du Bach décomposé.

mardi 9 octobre 2012

Бездельники (2011) Jean foutres nostalgiques ***


Бездельники est la première fiction d'Andreï Zaïtsev, jeune réalisateur de documentaires remarqués. Il suit les amours de trois jeunes adultes dans le Moscou des années 2000, le tout bercé par la musique du groupe Kino. Le personnage principal porte une ressemblance très soulignée avec feu Viktor Robertovitch Tsoï, le cultissime chanteur de Kino, fauché en pleine gloire en 1990. Le décalage temporaire semble n'avoir aucune importance pour la jeunesse actuelle, dont la partie la plus romantique connaît par cœur toutes les chansons du groupe.
De là à construire un film sur les chansons de Tsoï, il y a un pas que n'hésitent pas à faire les requins trop heureux de capitaliser sur la création d'autrui. Zaïtsev n'est pas de ceux-là. Son approche sincère et romantique - encore une fois - chercher à recueillir la substantifique moelle d'une génération. Là où le bât blesse, c'est qu'il filme la tragédie amoureuse à la manière d'un documentaire. Il ne parvient pas à construire une tension dramatique On reste le plus souvent au niveau d'un cinéaste amateur filmant ses amis faisant la fête. Il fait trop la fête avec ses amis au détriment du matériau cinématographique. On est ravi que le collectif d'acteurs se soit bien éclaté pendant le tournage, mais une salle de ciné réclame un autre niveau que les pochades de YouTube. Pire, Zaïtsev aime précisément les chansons de Tsoï qui me paraissent être les plus fades (hormis "Maman - Anarchie ; Papa - ballon de rouge"). Il aurait mieux fait de s'inspirer du film éponyme ('Slackers', en anglais) tourné en 1991 par le brillantissime Linklater.

lundi 8 octobre 2012

Белый тигр 2012 (tigre blanc) duel mystico bourrin ***

Белый тигр représente la Russie cette année aux Oscars du meilleur film étranger. C'est un film de guerre inhabituel, à cause de son ambiance surnaturelle. Au lieu d'exalter le courage du soldat russe (la petite histoire qui raconte la grande), on a affaire à un duel entre le bien (un soldat ayant reçu des blessures auxquelles il n'aurait pas du survivre) et le mal absolu, sous la forme d'un "tank fantôme" qui effraie sa propre armée (nazie). C'est du délire intégral : l'armée rouge, dirigée par des bolchéviques prêts à n'importe quels efforts pour écrabouiller la vermine fasciste, part, maréchal Joukov compris, dans des discussions absurdes sur le "Dieu des Tanks", sur les "Tanks qui parlent", etc.
Et pourquoi pas, finalement ? Après tout, on a tellement été gavés de productions patridiotiques sur la 2ème guerre mondiale (10 par an en moyenne), qu'un peu de délire surnaturel relève le plat. Et puisque la religion prêchée par le Kremlin interdit qu'on discute quoi que ce soit sur le fond, le réalisateur Chakhnazarov change la forme, le genre, l'ambiance. Et peu importe si les faits historiques sont traficotés, les réalités de la guerre piétinées, car de toute façon, le réalisme est passé de mode. Peut-être que Chakhnazarov avait envie de faire un film très personnel, (d'auteur...) mais n'avait pas les moyens de le faire. Sous couverture de film patriotique (unique moyen d'attraper un financement confortable venant du budget fédéral), il a concocté un arrangement entre son sens du devoir, les obligations envers le pouvoir et son ambition artistique. On comprend à la fin (il chausse ses gros sabots) que le Tigre Blanc symbolise le fascisme immortel et invincible. Ou la guerre. Il donne même à Hitler et à Wagner le dernier mot du film, ce qui est plutôt osé ! Mais il est hautement improbable que le jury américain des Oscars (pour le meilleur film étranger) apprécie ce tour de passe-passe saugrenu.

mercredi 26 septembre 2012

"Birobidjan, Birdobidjan", documentaire de Marek Halter ***

Mardi 25 septembre 2012 a eu lieu la première russe du curieux film où Marek Halter se rend dans la "Région Autonome Juive" créée par Staline en 1932 et portant toujours ce nom dans la Russie de Poutine. Il a retrouvé là-bas une poignée de fervent défenseurs de la culture Yiddish, et partage avec eux la nostalgie d'une époque à jamais disparue, lorsque onze millions de Juifs parlaient encore cette langue.

Beaucoup d'images d'archive et beaucoup de parlote, mais le sujet est suffisamment fort et intriguant pour qu'on le regarde de bout en bout. Ce qui est très curieux, c'est qu'on voit finalement peu d'images du Birobidjan actuel, comme si Marek Halter était mal à l'aise avec la preuve de la disparition. N'y étant jamais allé, je n'oserai le contredire, mais j'ai du mal à croire qu'il reste beaucoup de signes du Yiddish dans ce coin désolé à la frontière de la Chine.

Encore plus singulier, le soin que prend Marek Halter à gommer tout antisémitisme chez Staline, qui aurait finalement eu une bonne idée en décidant de "régler la question juive" une fois pour toute en envoyant tout ce que l'URSS comptait de Juifs dans une zone désolée "non infestée d'antisémitisme". Il s'agissait surtout de les éloigner, de leur coller une pioche dans la main pour qu'ils défrichent une terre ingrate. Loin de la description idéale, il faut rappeler que des synagogues ont cramé là-bas aussi et que le vandalisme se manifeste ponctuellement.

Mais Marek Halter préfère se lamenter sur le fait que dès qu'ils en ont eu la possibilité, les Juifs sont rentré en Russie Européenne et surtout on massivement émigré vers Israël. Comme toujours chez cet écrivain passionné, on sent qu'il prend ses désirs pour des réalités, des désirs parfois franchement saugrenus.

Le film a déjà été diffusé par la France 5 en février.

vendredi 21 septembre 2012

Moscou envoie le Tigre Blanc ("Белый тигр") aux Oscars

Pas de de scandale cette année, probablement grâce au fait que Mikhalkov n'avait pas de bouse à proposer pour représenter le cinéma russe. Le jury a été quelque peu renouvelé, avec des noms honorables comme ceux de Zviaguintsev, Sokourov, Todorovsky, Tchoukhaï, Bodrov et Kontchalovsky. Et Mikhalkov, bien sûr. C'est donc le "Tigre Blanc" de Karen Chakhnazarov qui ira affronter les autres films "en langue étrangère" au plus célèbre festival américain. Un énième film de sur la Grande Guerre Patriotique. 
Notez que les dix autres films russes en compétition étaient :
La Maison - "Дом" Олега Погодина, 
"Кококо" Авдотьи Смирновой, (trop banal)
Faust - "Фауст" Александра Сокурова (trop herméneutique)
Orda - "Орда" Андрея Прошкина
Portrait au Crépuscule - "Портрет в сумерках" Ангелины Никоновой (à mon avis le plus original de la sélection)
Sibérie. Mon amour - "Сибирь. Монамур" Славы Росса
Chef d'orchestre - "Дирижер" Павла Лунгина (pas au mieux de sa forme)
Vissotsky - "Высоцкий. Спасибо, что живой" Петра Буслова, (on l'a échappé belle !)
Match - "Матч" Андрея Малюкова 
Chapiteau Show - "Шапито-шоу" Сергея Лобана. (Certainement trop ésotérique pour franchir les frontières)

vendredi 31 août 2012

Nikita Mikhalkov tourne une adaptation de "Coup de soleil" de Bounine

Le quotidien Vedomosti révèle que la ville de Gorokhovets est paralysée par le tournage du prochain film de Mikhalkov. Basé sur une nouvelle du grand écrivain russe blanc, il s'agit, selon Mikhalkov, d'un "petit budget" (pour changer). Aucun acteur célèbre n'y figure. Tout à fait étonnant ! Serait-il revenu 30 ans en arrière ? Que nenni. C'est la mode, paraît-il. Coppola et Scorcese aussi font dans l'ascèse. En attendant, la ville de Gorokhvets étouffe. On attend une visite de Poutine, ami semble-t-il de Mikhalkov. "Les gens du FSB ou du FSO [organes affectés à la sécurités des personnalités russes] sont venus chez moi avec des chiens renifleurs de bombes", raconte une habitante. "Ils ont visité toutes les maisons". Espérons qu'ils n'aient pas dérangé les gens pour une énième daube du camarade Mikhalkov, qui depuis 15 ans s'intéresse davantage au business et à la politique qu'au 7ème art.

Кококо (2012) Le peuple et les intellos font bon ménage - **

Saint-Pétersbourg. Une trentenaire ethnographe de bonne famille (Mikhalkova) s'éprend d'une jolie jeune femme (Troïanova) aux manières très "prolo" débarquant de 'Yo-Bourg' (littéralement 'Fuck-City', surnom de Ekaterinbourg). Elle l'invite chez elle et commence une cohabitation mouvementée entre deux femmes que leurs cultures et mentalités... bref, tout oppose, bien qu'elles vivent dans un même pays. Mikhalkova, prisonnière de ses complexes, est tout à tour séduite (en tant que femme frustrée) et fascinée (en tant qu'ethnologue) par la rudesse et la simplicité des moeurs de Troïanova 'Хабалька", qui prend rapidement ses aises à Saint-Pétersbourg.

Sujet ultra rabâché par le cinéma, ce 'Crocodile Dundee' à la russe souffre de longueurs et d'une réalisation (Avdotia Smirnova) dépourvue d'imagination. Le film cale après les quinze premières minutes (après l'étonnement causé par l'adoption insensée de Troïanova par Mikhalkova) dans un train train quotidien, lassant, fait de papoteries féminines et de non-événements issus d'un journal intime. Rien de surprenant venant de Smirnova (épouse du célèbre politicien Anatoli Tchoubaïs), qui dans le proche passé nous a infligé un nullissime Два дня (deux jours) et réalise (ou scénarise) en général des feuilletons pour la télé.

Après Волчок, Troïanova n'avait déjà plus rien à prouver en matière d'interprétation de beauté provinciale (elle joue quasiment le même rôle). On ne peut pas en dire autant de Mikhalkova, qui doit son rôle à son amitié avec la réalisatrice. Mikhalkova... non, désolé, je n'y crois pas une seconde. Elle n'est pas faite pour interpréter une intello pétersbourgeoise. Tout en elle crie : 'Je suis une moscovite bien nourrie, pétée de thunes et je n'ai besoin de rien ni de personne'. Contente d'elle-même, les pieds fermement plantés dans un confort matériel et la tête pleine de bon sens reposant. Où est la détresse dostoïevskienne ? Où est le doute, la fragilité, l'exubérante folie de Saint-Pétersbourg ? Si elle était contrainte d'employer Mikhalkova, Smirnova aurait du en faire un agent immobilier dans un décor moscovite. Laissez donc Piter hors de ces papouilleries de sitcom.

Волчок (2009) Le Nouveau Drame se penche sur l'enfance - ****

Surnommée 'Toupie' par sa mère - perpétuellement absente - une gamine grandit dans l'isolation et la souffrance. Elle est toute entière définie par ce manque d'affection maternelle. Elle tourne, tourne, prisonnière d'une spirale de malheurs. Victime d'un sort ingrat, la mère se venge sur sa petite fille, qu'elle ne supporte pas. Elle lui refuse la moindre marque d'affection, la pousse sciemment vers un destin tragique.

Yana Troïanova joue de manière convaincante la mère brutale, égoïste et alcoolique de 'Toupie'. Son personnage est infiniment réaliste. C'est la province russe, désespérante, abandonnée des Dieux.  Troïanova est dirigée par son mari, Vassili Sigarev, connu pour faire partie du Nouveau Drame, ce courant théâtrale focalisé sur la Russie d'Aujourd'hui, qui en parle sans fard, avec un réalisme passionné. Sigarev reste fidèle au principe du Nouveau Drame : le langage est châtié, les dialogues ne sont pas soignés, embellis : ils sont brut de décoffrage. Pas d'explications, pas de morale, la vie de Toupie est narrée de son point de vue, avec parfois la voix off de Toupie devenue adulte, jetant un regard sur son enfance (avec la voix de Yana Troïanova...).

La caméra de Sigarev ne tremble pas, n'utilise pas de procédés stylistiques empruntés à tel ou tel courant cinématographique. Il semble uniquement préoccupé par la narration la plus subjective possible de cet enfant à moitié abandonné (à moitié seulement... notez que 'Волчок' désigne à la fois la toupie et le chien-loup... la gamine est à moitié apprivoisée seulement).

mardi 28 août 2012

Портрет в сумерках (2011) passion crépusculaire ****

Descente aux enfers d'une jeune femme lambda. Dans la Russie d'aujourd'hui. Mépris, vol, viol. Un traumatisme qui ne parvient pas à se transformer en vengeance, et tourne à la passion.

Dans ce "portrait au crépuscule", difficile de ne pas voir, au-delà du drame individuel, un cri de rage contre le délitement social que traverse le pays. Inévitablement, la polémique jaillit : "film anti patriotique". La Russie est dépeinte sous un angle "fin de vie". Rien ne va plus. Rien à quoi se raccrocher.

Il n'y a rien d'invraisemblable dans ce film. On ne peut pas l'attaquer comme un mensonge. On l'attaque parce qu'il ne veut pas donner d'espoir. Or, cette critique vient de personnes attachées au rôle paternalistedu cinéma : il doit prendre le spectateur par la main. Lui parler des problèmes, mais surtout lui montrer la solution.  Ce n'est pas le cas dans ce film. Ici, le ton n'est ni pleurnichard, ni féministe revendicatif. On laisse le spectateur tirer lui-même ses conclusions. C'est bien mieux ainsi.

"Portrait au crépuscule", comme "Mon Bonheur", s'adresse aux adultes. Voici le problème, démerdez-vous. Vous savez ce qui vous reste à faire. Dans l'ambiance patrioticonne actuelle, mettre le doigt là où ça fait mal est déjà suffisamment courageux.

Ce film est le fruit du travail de deux femmes : la veuve du réalisateur Ivan Dykhovitchny (Olga), actrice principale, productrice et auteure de l'idée du film ; et la réalisatrice débutante Angelina Nikonova. Beau travail. Les personnages sont traités dans toute leur complexité, c'est-à-dire sans simplification ni exagération. Olga Dykhovitchnaïa interprète subtilement une psychologue impénétrable à elle-même. Ses yeux fouillent le crépuscule, voient au-delà des apparences, les bords coupants de l'existence.


режиссер Ангелина Никонова
сценарий Ольга Дыховичная, Ангелина Никонова
продюсер Леонид Огарев, Ангелина Никонова, Ольга Дыховичная
оператор Эбен Булл
композитор -
монтаж Елена Афанасьева
жанр драма, мелодрама
сборы в России $154 098
зрители 25.7 тыс.
премьера (РФ) 10 ноября 2011, «КиноБарабан»
релиз на DVD 18 января 2012, «Кармен Видео», ...
время 105 мин. / 01:45

dimanche 26 août 2012

Дом (Олег Погодин, 2011) marre du patriarcat ! ***

Dom (la maison), est le dernier film du grand acteur Bogdan Stoupka, qui, symboliquement, meurt à la fin.

Cette maison, ce foyer dirigé d'une main de fer par un patriarche, dans la steppe du Sud de la Russie, illustre le fonctionnement du pouvoir dans ce même pays. Et rien ne va plus. La famille se délite, les individus ne se comprennent plus depuis longtemps, ne se respectent plus, tout ne tient qu'à un fil. Et les ressources de la famille viennent du frère aîné, absent depuis 25 ans, parti à Moscou, devenu parrain du crime.
Il revient pour les 100 ans du grand-père. Avec des tueurs aux trousses.

Oleg Pogodine filme une parabole du pouvoir crispé sur ses prérogatives, incapable d'évoluer vers une structure stable et pérenne. Ce n'est pas un film politique, car, hormis la structure symbolique, aucune référence n'est faite à la politique russe. La plupart des spectateurs n'y verront qu'un drame psychologiques couplé d'un film d'action.

Bogdan Stoupka et Sergueï Garmash jouent comme toujours à perfection. Elena Rednikova, magnifique brune trentenaire, toujours aussi belle qu'il y a 10 ans, aurait tout à gagner de se choisir des bons scripts au lieu de gâcher son talent dans des séries B. Quelque soit la situation dans laquelle elle apparaît à l'écran, l'érotisme domine le reste. Dans son rôle archétypal de femme frustrée laissant échapper sa rage dans les bras d'un jeune amant imbécile, elle est irréprochable.

Globalement, le film est correctement construit. C'est-à-dire que la fonction distrayante est remplie. Le traitement relationnel n'échappe pas à quelques clichés, mais sans grosse erreur. Malheureusement, deux éléments invraisemblables gâchent l'ensemble : Garmash sait qu'il a des tueurs extrêmement dangereux aux trousses, pourquoi les attire-t-il chez ses parents, dans sa famille qu'il aime, nourrit et prétend vouloir protéger ? Nulle part on ne sent chez lui le désir d'anéantir les siens. Un homme dans sa situation désespérée ne ferait pas une erreur pareille. Et puis transformer un centenaire paralytique en shakhid sauvant sa famille, quelle bêtise ! Où comment déraper dans le ridicule et gâcher un scénario autrement bien ficelé.

vendredi 24 août 2012

Sebrennikov et Balabanov à la Mostra de Venise

http://www.kinoglaz.fr/u_fiche_evenement.php?num=1617

Trois films russes seront montrés cette année à la 69ème Mostra de Venise :
- L'Adultère (Измена), 2012, de Kirill SEREBRENNIKOV (Кирилл СЕРЕБРЕННИКОВ),
- Je veux aussi (Я тоже хочу), 2012, de Alekseï BALABANOV (Алексей БАЛАБАНОВ),
et le documentaire :
- Anton est ici, tout près (Антон тут рядом), 2012, de Lioubov ARKUS (Любовь АРКУС)

décès de l'acteur Bogdan STOUPKA (Богдан СТУПКА)

Bogdan STOUPKA (Богдан СТУПКА) est décédé à l’âge de 70 ans 
Cette personnalité du cinéma ukrainien a tourné dans plus de 90 films, dont quelques grands films comme 'Deux en un' de Mouratova, 'Est-Ouest' de Wargnier et 'Svoi' de Meskhiev.

Extrait de la filmographie (source : kinoglaz.fr)
 2011 - La Maison (Дом) de Oleg POGODINE [fiction, 120 mn]
2011 - Les Lumières du bordel (Огни притона) de Aleksandr GORDON (2) [fiction, 108 mn]
2010 - Ivanov (Иванов) de Vadim DOUBROVITSKI [fiction, 170 mn]
2009 - Taras Boulba (Тарас Бульба. Запорожская сечь) de Vladimir BORTKO [fiction, 100 mn]
2009 - Chantrapas (Шантрапа) de Otar IOSSELIANI [fiction, 122 mn]
2009 - L'Oiseau-Gogol (Птица-Гоголь) de Leonid PARFIONOV [documentaire, 78 mn]
2007 - Deux en un (Два в одном) de Kira MOURATOVA [fiction, 124 mn]
2007 - Les Trois et le flocon de neige (Трое и снежинка) de Pavel BARDINE , Mguer MKRTCHIAN [fiction, long métrage]
2007 - 18-14 (18-14) de Andres PUUSTUSMAA [fiction, 95 mn]
2007 - Les Cadets (Юнкера) de Igor TCHERNITSKI [fiction, série TV, 400 mn]
2006 - Le Lièvre au dessus du gouffre (Заяц над бездной) de Tigran KEOSSAIAN [fiction, 97 mn]
2005 - Force de choc 6 (Убойная сила 6) de Ouliana CHILKINA [série TV]
2004 - Un chauffeur pour Véra (Водитель для Веры) de Pavel TCHOUKHRAI [fiction, 112 mn]
2004 - Les Nôtres (Свои) de Dmitri MESKHIEV [fiction, 100 mn]
1999 - Est-Ouest (Восток-Запад) de Régis WARGNIER [fiction, 121 mn]
1987 - Daniel de Galicie (Даниил - князь Галицкий) de Yaroslav LOUPI [fiction, 100 mn]
1971 - L'Oiseau blanc marqué de noir (Белая птица с черной отметиной) de Youri ILIENKO [fiction, 99 mn]

jeudi 23 août 2012

Край (2010) la beauté des limites, ***

Sibérie, taïga, pendant la deuxième guerre mondiale. Un conducteur de locomotive vétéran, gravement blessé à la tête pendant les combats, est assigné dans un trou perdu. Il tombe sur une Allemande surprise par la guerre en 1941, et qui, sans retraite possible, se cache depuis le début du conflit. Leur relation provoque une explosion de violence alors que la terreur stalinienne règne...

Alexeï Uchitel a probablement voulu faire un film pour l'export, dans la lignée du "Barbier de Sibérie" de Mikhalkov. Il s'est visiblement planté, n'a pas été remarqué à l'étranger du tout. Pourtant, le film se regarde facilement. Trop sombre pour les écrans américains, trop désespéré sans doute. Mais les ingrédients habituels sont disposés et apprêtés avec talent par une photographie et un montage très sûrs et privés des tics à la mode (effets, clipage, etc).

Comme d'habitude chez Uchitel, les personnages ont un côté caricatural et schématique, ils sont trop prévisibles. Il n'a pu s'empêcher de faire de Machkov un macho surhumain. Seul Garmash dans son rôle de super salaud archétypal s'en sort bien, car malheureusement ces personnages ont réellement existé. Garmash incarne parfaitement l'époque.

Uchitel abuse un peu des fumées et des sirènes, qui donnent un aspect superfétatoire. Mais d'un autre côté, il nous offre quelques unes des scènes érotiques les plus réussies depuis une décennie. Grâce surtout à l'actrice Yulia Peresild, visiblement très à l'aise et naturelle (on ne peut pas en dire autant de Machkov). Peu de réalisateurs russes ont osé pénétrer dans un bania (bain russe) féminin. Lequel apparaît comme un paradis tout à fait improbable dans ce trou à rat sibérien. Il y a quelque chose d'une parabole dans cette beauté paradisiaque accessible au bout du monde. Quelque chose qui me parle.

mardi 21 août 2012

Мой папа Барышников (2011) Mon père, c'est Baryshnikov ! ****


Pas de Perestroïka pour Boria, un gamin rêvant de devenir danseur étoile au Bolchoï. Pour l'instant, il est le canard boiteux de sa classe de danse, et la ballerine vedette de l'école, qu'il aime éperdument, l'ignore somptueusement. Alors que tout semble vraiment mal s'engager pour Boria, il s'auto persuade qu'il est le fils de Baryshnikov.
Cette comédie douce-amère recrée l'ambiance frugale et morose de l'ère gorbatchévienne, où les rêves décuplent proportionnellement à la frugalité croissante de l'existence. Les réalisateurs Dmitri Povolotski et Mark Drugoi font passer le message via une voix off : les coups que Boria prend sur la gueule, parfois mérités mais le plus souvent injustes, l'ont sorti de ses rêves et lui ont permit de réussir dans l'ère suivante. On ne l'a pas laissé atteindre l'excellence en matière artistique. Il a développé un talent dans les affaires. S'est payé le Bolchoï. Son nom est finalement sur l'affiche.
En filigrane, une histoire de juif russe, punit d'être "spéculateur", trop malin, trop indépendant, et qui prend sa revanche en devenant oligarque lorsque le régime bascule.
Les amateurs de ballets trouveront certainement une tapée d'imperfections dans les pointes du jeune Dmitri Vyskoubenko, mais son interprétation épate. Il est juste de bout en bout et porte tout le film sur ses frêles épaules.

lundi 16 juillet 2012

Гоп-Стоп (Gop Stop) 2010 mauvaise satire du bled, **

Ca démarre très bien avec un paysage planté dans le plus nauséabond marais du néo-féodalisme provincial. On s'attend à une comédie corrosive cognant sauvagement sur les crapules pillant le pays à l'aide des oripeaux du pouvoir. Une poignée de Tchinovniki (fonctionnaires) mange-touts, des jeunes vauriens, des ivrognes et des sovoki rouillés.
Malheureusement, on cesse complètement de rigoler au bout de 20 minutes. La bouffonnerie tourne au grotesque. Le jeu des acteurs devient de plus en plus approximatif et stéréotypé. Les personnages ne sont plus truculents, ils sont éculés. Le scénario pédale dans la semoule avec une histoire de faux Robin des Bois et on finit par s'ennuyer pour de bon. Ca reste très loin derrière le Jmourki de Balabanov. Dommage d'avoir saboté la bonne idée de départ. Pavel Bardin aurait pu saisir le Zeitgeist et atteindre le rang de film-culte si seulement il avait terminé son scénario avant de commencer à tourner !

dimanche 15 juillet 2012

непрощенные (2009, impardonnés) thriller provincial, ***

_c'est bientôt la fin de l'été, les pluies vont arriver. Et si on se mariait ?
_c'est une proposition, ou bien une prévision météo ?
_les deux
_je ne t'aime pas; mais marions-nous quand même.





En terme d'efficacité, le film n'égale pas le thriller américain standard. Néanmoins, je l'ai regardé sans m'ennuyer. Quelques dialogues amusants, un peu trop de trajectoires croisées (complexité à la mode).
On n'évite pas les rôles trop stéréotypés comme la jeune fille qui tourne au toxico en une semaine, fait sa cure en une nuit et tombe amoureuse de son sauveur. La pute au grand cœur. La veuve noire. Etc.
Le lieux de tournage fait plaisir : quelque part entre la Crimée et Odessa.
Le vrai problème, c'est qu'on commence à se lasser des mouvements de caméra, et des ressorts d'actions pompés sur Tarrantino / Ritchie

On pardonnera au réalisateur Shipenko, qui n'avait que 26 ans au moment du tournage.


http://www.film.ru/special/npr/

Сказка про темноту Un conte sur l'obscurité (2009), ***

Angelina, célibataire autour de la trentaine, prend conscience d'un grand vide dans sa vie. A Vladivostok, où elle travaille dans la police, les hommes, lorsqu'ils cherchent sa compagnie, ne font aucun effort pour lui être agréable. Elle est bien trop raffinée pour eux, et semble destinée à devoir rester jeune fille. Lorsqu'un petit garçon maltraité qui lui est confié momentanément lui tout-de-go "tu n'est qu'une vieille idiote", elle réalise que c'est à elle de changer quelque chose dans son attitude. Mais la glace autour de son coeur ne veut pas fondre. Les hommes restent toujours aussi vulgaires. Elle elle s'adresse à sa mère "mais quand donc les ténèbres vont-ils s'éclaircir?"

Un filme triste, peu de dialogues. Désespérant de bout en bout. On aimerait bien la voir se dérider, s'égailler, mais elle tombe sur des hommes répugnants. C'est sans issue, typiquement russe comme approche !

samedi 21 avril 2012

Dans le brouillard, le cinéma russe ?

L’industrie du cinéma russe cherche une stratégie pour exporter plus efficacement ses films. Baisser les prix, améliorer la formation et stimuler les coproductions font partie des solutions proposées par Fond Kino

« Le cinéma russe souffre d’un double handicap : un manque de demande à l’étranger et une mauvaise commercialisation », constatait Evgueni Guindilis, producteur, lors d’une table ronde le 20 avril à Moscou. « Nous voulons que le cinéma russe soit présenté aux masses étrangères. Nous voulons voir nos stars sur les écrans européens et dans des productions américaine » ambitionne Elena Romanova, directrice du département international de Fond Kino (« Fonds pour le Cinéma »), un organisme d’Etat chargé de la promotion du cinéma russe.
On en est loin. La présence du cinéma russe sur les écrans étrangers reste minimale à ce jour. Hormis quelques rares films d’art et d’essai comme « Elena » ou « Faust », qui, auréolés de prix dans les grands festivals, font des carrières honorables en salles, le cinéma russe reste cloîtré à la maison. Le cinéma populaire est estampillé « inexportable » et la plupart des films d’art et d’essai dérivent sous le radar des distributeurs internationaux.
Pour remédier à cette situation, Fond Kino lance plusieurs initiatives. Un stand « Cinéma Russe » sera présent au Marché du cinéma se déroulant en parallèle au festival de Cannes (du 16 au 27 mai) avec pour objectif de vendre les dernières productions russes : « Doukhless », adaptation d’un best seller moscovite, « La Dame de Pique » (le dernier film de Pavel Lounguine), « Baba Yaga » (coproduction franco belgo russe, animation 3D réalisée par Dan Creteur avec un budget de 15 millions d’euros), ainsi que plusieurs films déjà sortis en Russie.
La présence du film « Dans le brouillard » de Sergueï Loznitsa dans la sélection principale de Cannes cette année peut potentiellement braquer les projecteurs sur le cinéma russe. « C’est un film plein de talent » juge Andreï Plakhov, plume phare du quotidien Kommersant et président de la fédération internationale des critiques de cinéma FIPRESCI. « Rien à voir avec son précédent film Mon Bonheur, qui avait fortement divisé le public. Dans le brouillard renvoie au cinéma classique soviétique et ne provoquera pas de scandale ». Romanova précise que Dans le brouillard a « déjà trouvé un distributeur international et Fond Kino est prêt à aider le film s’il trouve des difficultés à être distribué en Russie ».
Une autre initiative, baptisée « Red Square Screenings » consiste à inviter les principaux acteurs internationaux de l’industrie à assister à des projections privées du 15 au 20 octobre prochain dans l’enceinte du GUM, les célèbres galeries commerciales bordant la Place Rouge. « Le cinéma n’est pas un simple produit, c’est une part essentielle de notre culture » martèle Guindilis. « C’est pour cette raison que nous avons créé Red Square Screenings. Ce doit être l’ultime instrument pour la promotion de notre cinéma à l’étranger. Nous devons offrir un confort maximum aux invités. La concurrence est très dure, par conséquent nous devons mettre en valeur le cinéma russe d’une manière exceptionnelle, à deux pas de la Place Rouge ».
Les acteurs de l’industrie du cinéma reconnaissent qu’il reste beaucoup de travail à domicile avant d’atteindre les objectifs. « Il faut une stimulation fiscale pour les producteurs et les distributeurs », souligne Romanova, ajoutant que l’industrie russe est défavorisée par rapport à d’autres pays comme le Canada ou la France. Tous soulignent l’urgence d’améliorer la formation des professionnels. « La crise actuelle est provoquée par un déficit de personnel compétent », pointe Ilia Batchourine, directeur général de GlavKino, un studio de tournage. « Il faut multiplier les initiatives d’échange avec les studios étrangers, attirer les tournages de films étrangers chez nous. Nous n’avons pas uniquement besoin de financements, mais aussi de compétences ».
Andreï Plakhov attire l’attention sur le fait qu’il « n’existe pas de politique gouvernementale claire. Regardez ce que fait la France, par exemple avec les Journées du Cinéma Français à Paris. [L’agence de promotion] Unifrance fait un travail très efficace du point de vue commercial. Ils ne se limitent pas à promouvoir les grandes stars, mais aussi toute la jeune génération ». Or, la Russie n’a rien à envier à la France en terme de jeunes réalisateurs talentueux. Pourtant, on reste dubitatif en regardant la liste de films russes sélectionnés et aidés par Fond Kino ces dernières années. Hormis la réussite indubitable de Elena, les autres films sont d’un niveau médiocre, entre comédies adolescentes, films de guerre « patriotiques » brouillons, et reconstitutions historiques dispendieuses et ennuyeuses. Plakhov conclut « nous avons besoin de créer une mode du cinéma russe, comme l’on fait les Coréens. La dernière fois que le cinéma russe a été à la mode, c’était en 1990 avec Taxi Blues de Pavel Lounguine ». Encore faut-il que Fond Kino ne se trompe pas de sélection.

mardi 6 mars 2012

Фауст / Faust (Sokourov) impénétrable âme germano-soviétique ***

Intéressante adaptation de Goethe, au moins pour la beauté plastique des décors et la photographie toujours très léchée chez Sokourov. Tournée en allemand, le film requiert une parfaite maîtrise de la langue pour être pleinement savouré (ce qui n'est pas mon cas). Les sous-titres n'aident pas beaucoup car les dialogues sont très bavards et très librement adapté de l’œuvre originale. Par conséquent, Sokourov nous livre une fois de plus (mais encore plus que d'habitude) une œuvre extrêmement difficile d'accès. Je dois avouer que les préoccupations et obsessions de Faust m'ont toujours été étrangères, par conséquent je suis mal placé pour juger ce film. Il s'agit bien sûr, comme chez Goethe, de décrire l'effet corrupteur du pouvoir sur l'âme humaine, mais dans le cas du personnage Faust, je perçois malheureusement surtout une vacuité et une mollesse intérieure qui m'est totalement étrangère. D'une point de vue cinématographique, Sokourov travaille d'une manière irréprochable et toute personne à la sensibilité esthétique aiguë passera agréablement le temps. Les autres fuiront cette bobine hautement hermétique. Moloch et Soleil étaient bien plus facile d'accès. Hanna Schygulla apparaît au générique, mais je ne l'ai point reconnue. Je vais me revoir un bon vieux Fassbinder, car elle me manque.

lundi 23 janvier 2012

Мелодия для шарманки (Muratova) it's a wild, wild world...****


On a retrouvé il y a quelques semaines dans une gare du fin fond de l'Ukraine un ancien candidat au poste de gouverneur de l'Arizona. Kira Muratova, a trouvé elle deux gamins fugueurs dans la même région. Ce qui est moins étonnant, mais bien plus sordide. Les deux gamins, une fillette et son jeune frère se retrouvent sur le pavé après la mort de leur mère et tente de survivre dans l'indifférence générale.
Contrairement à ce que le sujet pourrait suggérer, point de misérabilisme ici. L'épopée des deux gamins prendrait même une tournure initiatique, si l'aventure de mène à rien de positif. C'est un conte de Noël pour les mécréants et les réalistes. Nul doute que nous sommes pour la plupart enferrés dans nos égoïsmes, sinon de telles histoires n'arriveraient-elles pas, ou du moins nous paraitraient-elles improbables. En dépit de l'aspect tragique de "mélodie pour orgue mécanique" ne nous brise pas le coeur. Le film est porté par l'humour et la vivacité des deux gamins. Il ne ressemble pas vraiment à ce que je connais de Muratova, mais sa filmographie comporte déjà des oeuvres très différentes les unes des autres.
Il faut saluer avant tout deux très jeunes interprètes dotés d'un talent formidable et une épatante direction d'acteur. Peut-être inspireront-ils quelques trucs de survie au politicien américain devenu apprenti SDF en Ukraine ?

vendredi 20 janvier 2012

О чем еще говорят мужчины (Dyachenko) Trompé de cible **

De quoi (d'autre) parlent les mecs ?
Ces 4 lascars sont bien sympathiques. La troupe Kvartet И nous a bien amusé il y a deux ans avec une première comédie sur le thème "De quoi parlent les hommes". Mais cette séquelle nous laisse froid, car elle n'a qu'une ambition : vous piquer 300 roubles au moment des fêtes, lorsque votre coeur généreux est le plus affamé d'humour.
Ces 4 mêmes bougres célèbrent le réveillon du 31 à nos dépends, avec une idée profondément stupide : ils sont enfermés dans un bureau à attendre qu'on vienne les buter parce que l'un d'entre eux à manqué de respect à l'épouse d'un mafieux. Une vraie salope, soit dit en passant. Est-il vraiment besoin de le préciser ? Les dames le sont toutes plus ou moins, aux dires du quatuor. Qui nous rebalance sans scrupules les mêmes grosses vannes qu'il y a deux ans, avec moins d'entrain et plus de pesanteur. Vous me suivez ? Passez donc votre chemin, il n'y a rien d'intéressant à voir.
Nos personnages s'emmerdent à l'écran dans l'attente de leur mort, et nous les spectateurs, nous nous ennuyons d'autant plus. Le manque d'inspiration tente de se dissimuler sous des personnages secondaires aussi ridiculement mal écrits que joués. Freud et Tolstoï sont convoqués pour apporter leur caution "intellectuelle" à 4 gusses empêtrés dans des imbroglios vaudevillistes d'une banalité totale. Les phallocrates sont fatigués de tromper leurs épouses à tout va, et nous de leurs conflits internes. Leurs épouses sont d'une stupidité irréelle. Quelques passages croustillant cependant. L'un, très visiblement inspiré de Bunuel, où (voir photo) notre quart de héros se trouve sociologiquement disséqué avec son étudiante devant un amphi plein d'étudiants benêts. Un autre voit l'acteur Efremov interpréter avec un plaisir évident un pope souhaitant à une assemblée de flics véreux une année "pleine d'immigrés sans papiers, de conducteurs bourrés...". Troisième et dernière séquence amusante : une cérémonie d'anti mariage ou la mairesse commande aux non époux "de vivre longtemps heureux hors du mariage, sans les infâmes anneaux et les engueulades inéluctables".
Et moi je vivrai simplement sans plus écouter ce dont "parlent les mecs".