Bouslov fait basculer le polar russe dans le négativisme absolu. C'est la première fois qu'un film me donne le désir dès les premières minutes, de me casser de cette région du monde où j'ai passé 10 ans. "Tous pourris !" dit le film, en somme. Comment peut on penser à faire des enfants dans un contexte pareil, où la vie humaine n'a pas la moindre importance et où la seule motivation des personnages est l'argent criminellement acquis ? Je suis certain que cela ne vient pas d'un désamour personnel pour la Russie (je n'ai aucunement envie de rentrer en France), mais plutôt d'une volonté délibérée d'appuyer sur un problème moral qui a atteint des proportions pharaoniques. De ce point de vue-là, Bouslov prend un gros risque personnel, car je ne suis pas le seul à percevoir une antipublicité pour la Russie. Il y a bien sûr les simples d'esprit qui passent un bon moment à rigoler, puis rêvent d'imiter ces nouvelles idôles de la décrépitude, mais d'autres, des décideurs et Tartuffes en tout genre, vont s'offusquer qu'on montre de leur patrie un visage aussi grêlé. Même le téméraire provocateur Balabanov veille à trouver dans (certains de) ses héros des aspects positifs, de la compassion, de l'amour, du désintéressement, de l'amitié... dans le noir absolu, il y a toujours un ou deux personnages qui se distinguent, soit des victimes innocentes, soit des hommes blessés cherchant la rédemption. Rien de tel dans ce film, et n'attendez pas de fin positive.
Chose surprenante, Bouslov verse très peu de sang dans ce film criminel. C'est un aspect très original quand on observe la tendance épouvantablement graphique que suit l'industrie du cinéma. Ici, on ne verra que du sang maculé sur les murs après l'unique fusillade (située au 3ème étage d'un hôtel, mais filmée depuis la rue : on ne voit rien d'autre que des ombres, tout est au niveau de l'audition - une scène très réussie !).
Le côté comédie déçoit, car on ne rigole pas souvent. Le seul gag très réussit à mon avis confronte deux flics sidérés par la corruption de l'autre. Le reste du temps, quelques situations comiques apparaissent, mais on reste surtout dans le registre de la surenchère de grossièretés. Il faut une très bonne culture de l'argot criminel russe, car moi qui comprends bien les Balabanov par exemple, j'ai loupé un paquet d'expressions.
Quelques aspects positifs : c'est un premier film. Le réalisateur Kostia Bouslov, frère cadet de Piotr Bouslov, a réussit une réalisation haletante. Le rythme est parfait pour l'action. On ne s'ennuie pas une seconde. Les acteurs sont utilisés à bon escient, c'est juste et pas surjoué, pas de clichés inutiles, et les acteurs ne sont pas des stars fatiguées, mais des seconds couteaux de séries télévisées. Bouslov junior a donc fait des économies sans pour autant nuire à la qualité du jeu. Plusieurs personnages se font remarquer comme d'excellent "rôles de caractères", avec des voix et charismes étonnants. Mais bon sang qu'ils sont tous répugnants...
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