mardi 13 novembre 2012

Festivals : Honfleur & la Semaine du Cinéma russe

Le mois de novembre offre comme chaque année deux rares occasions pour les cinéphiles français de voir les dernières sorties de films russes.

Regards de Russie
du 14 au 20 novembre 2012 au cinéma « l’Arlequin » (76 rue de Rennes - 75006 Paris, Métro St Sulpice). 
et dans la foulée :


Le XXe Festival du Cinéma Russe à Honfleur

du Mardi 20 au Dimanche 25 Novembre 2012

Les programmations des deux festivals comptent plusieurs films en commun, ce qui va ôter à quelques parisiens le désir de pousser jusqu'à Honfleur. 


Commençons par la semaine du cinéma russe à Paris. Le festival ouvre avec le dernier Lounguine "Le Chef d'orchestre", dont nous avons parlé (sans grand enthousiasme) dans ce blog le mois dernier.

L'actrice et réalisatrice Renata Litvinova est également en vedette avec "Le dernier conte de Rita", une fable très personnelle de l'actrice la plus maniérée et la plus surprenante du cinéma russe. Nous en reparlerons bientôt.
Autre film intéressant : "Les désoeuvrés" du prometteur Andreï Zaitsev. Il n'a pas su entrer de plain pied dans la fiction, sa réalisation reste trop empreinte de tics documentaires, mais ce film reste une des productions les plus intéressantes de l'année qui s'achève. 

Je n'ai pas vu les trois films sélectionnés à Paris mais pas à Honfleur (Le face à face, de Sergueï Komarov  ; le papillon d'acier de Renat Davletiarov et le Transfert d'Alexeï Mizguirev. J'ignore même s'ils sont déjà sortis à Moscou. La semaine parisienne présente aussi deux court-métrages et quelques films pour les enfants. Enfin, les amateur d'Alexandre Sokourov pourront voir ses deux oeuvres les plus intéressantes (mais aussi les plus ardues) de la décennie passée (Faust, 2011) et (Soleil, 2004).


Passons maintenant à Honfleur


Le festival fête cette année ses 20 ans et accordera pour l’occasion une place importante à l’histoire. Pour contrebalancer ce sujet si sérieux, une importante programmation de films d’animation est offerte au jeune public. Histoire de prouver que l’école russe d’animation conserve tout son pouvoir de fascination et sa force poétique, malgré une diffusion restreinte. Sept films font partie de la sélection officielle. Une seconde sélection présente quatre premiers films. 


La sélection “Un nouveau regard sur l’histoire” va révéler au public français la manière dont les cinéastes russes racontent le passé. Et c’est symptomatique : trois films sur la 2ème guerre mondiale, un film inspiré par la récente guerre avec la Géorgie en 2008. Et le “Concert”, une coproduction franco-roumaine avec l’acteur Alexeï Gouskov très remarquée par le public français lors de sa sortie en 2009. Ce dernier sera présent au festival avec son nouveau film “4 jours en mai”, qui fait partie de la sélection principal. Ce film - également centré sur un épisode douloureux de la seconde guerre mondiale - ne devrait pas à Honfleur susciter des débats aussi houleux qu’en Russie. Les autres oeuvres sélectionnées - à l’exception de “l’admiratrice”, inspirée de la vie d’Anton Tchekhov - se déroulent dans le monde contemporain. “Kokoko” d’Avdotia Smirnova raconte la collision entre une intellectuelle péterbourgeoise un peu coupée des réalitées et une provinciale dévergondée mais fauchée. Elles s’éprennent l’une de l’autre, mais les hommes sèment des embûches dans leur amitié improbable. Une comédie sans prétention où le talent de la pétillante Yana Trovanova saute aux yeux. “La Journée d’un prof” de Sergueï Mokritsky suit également l’évolution d’un modeste intellectuel, celui-là bien au contact de la réalité russe, et qui proteste contre la dégradation de la culture, avec des côté Don Quichotte. “Voilà ce qui m’arrive”, de Viktor Shamirov, parle sur un ton léger, ironique, d’une toute autre catégorie d’individus : les parvenus moscovites. Gocha Koutsenko, acteur très populaire, incarne un père pris dans les difficultés de communication avec sa fille, qui doute des valeurs matérielles et qui semble gagné par une nostalgie de la Russie soviétique. Un film clairement associé à la tradition des toiles du Nouvel An, c’est-à-dire des comédies intemporelles. Dans “Je serai près de toi”, on passe à la tragédie lacrymale. Le destin brise la vie d’Inna, jeune mère célibataire, atteinte d’une maladie incurable. Il lui reste peu de temps pour trouver les parents adéquats capables d’adopter son fils. “Récits”, de Mikhaïl Segal, touche au thème de la littérature et à son influence mystérieuse et irrésistible sur la vie de personnages contemporains. Une comédie légère avec un scénario original soulignant les liens étroits entre les Russes et leur littérature. Les grands romans russes n’ont ils pas fortement contribué à modeler ce pays ? Certainement davantage que le cinéma, en tous cas.
 

Dans la catégorie des débuts, la sélection est inégale. “Ils sont tous partis” est l’excellent démarrage dans la fiction d’un réalisateur au nom exceptionnel : Gueorgui Paradjanov. Neveu du génial Sergueï Paradjanov, réalisateur iconoclaste (Chevaux de feu, Couleur de la grenade) et dissident connu dans le monde entier. Gueorgui poursuit sur les traces de son oncle avec une oeuvre originale, métissage arménien et géorgien, recherche des racines, poésie indescriptible et folie toute caucasienne. “Ivan atomique” est une comédie passable visiblement destinée à rassurer le public russe sur l’inocuité de l’énergie nucléaire. “Sa fille”, d’Alexandre Kassatkine et de Natalia Nazarova, est un drame émouvant sur le deuil d’une jeune femme dans la province profonde. Ce film a déjà remarqué et récompensé par la critique, avec un meilleur prix du premier film au festival Kinotavr de Sotchi et un prix de la critique FIPRESCI à Varsovie cette année. Reste à réunir les conditions pour que ce film rencontre un public nombreux hors du circuit honorable mais peu rentable des festivals. Espérons qu’il trouvera un distributeur français courageux à Honfleur !

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