samedi 3 décembre 2011

Высоцкий. Спасибо, что живой : salir le dissident Vissotsky *


Mais quelle étrange initiative que de déterrer Vissotsky pour en faire cet antipathique héroïnomane... Pourquoi flétrir ainsi l'icône de la dissidence soviétique, dépeint dans le film comme un drogué irresponsable trahissant ses amis, conduisant à tombeau ouvert dans sa Mercedes rutilante, tel un gamin pourri gâté ? Avec une sortie du film en pleine campagne électorale, alors que Poutine s'affiche partout comme le chef de file de la lutte antidrogue ? Et pourquoi avoir fait des officiers du KGB les vrais héros du film ?
Premier problème : c'est un film profondément ennuyeux, à cause d'un scénario (écrit par le propre fils de Vissotsky) construit sur un épisode peu glorieux de la vie du grand barde : au mépris de son état de santé critique, il s'envole pour une tournée dans la république Ouzbek. Sur place, son entourage ne trouve pas d'héroïne et il s'enfonce dans la crise de manque. Et ça tire sur la pellicule pour faire durer le plaisir : clips de tourisme sur les paysages ouzbeks, clips sur les beaux avions soviétiques décollants, sur les beaux appartements de la nomenklatura soviétique, sur la rutilante Mercedes du barde... Sur les belles jambes d'Oksana Akinychina (habillée et fardée comme une pouffe moscovite de 2011, portant des lunettes à la Jennifer Lopez - totalement incongru !)... c'est pour faire modasse, pour se rapprocher du public jeune, pour vendre les disques de Vissotsky? Plus personne n'achète de disques, il n'y a plus rien à vendre. Et bientôt plus de films non plus. Les Russes boudent leur cinéma, et ce n'est pas ce genre de film qui va faire remonter la pente aux productions domestiques. On n'entend pratiquement pas la musique du barde, on passe complètement à côté de son talent, de ce qui fait qu'on l'aime.
Pour pallier à l'inanité des dialogues, à un scénario inintéressant, le réalisateur Bouslov - autrefois plus inspiré - recourt à une musique hollywoodienne stridente, omniprésente et destinée à exciter les nerfs du spectateur.

Pour attirer le public dans les salles, les producteurs ont imaginé une énigme : qui a joué le rôle de Vissotsky ? Car c'est bien le visage de Vissotsky qu'on voit à l'écran, et non celui de l'acteur, dont le nom ne figure pas au générique. Ce dernier porte un masque remarquablement conçu. Mais comportant un gros inconvénient : Le visage de "Vissotsky" est totalement inexpressif. Or, on connait bien le vrai visage de Vissotsky, acteur - très expressif -  de nombreux chefs-d’œuvre du cinéma soviétique. D'accord, son personnage est fatigué, en manque, mais inexpressivité dérange de plus en plus à mesure qu'on avance dans le film. On perçoit distinctement la lourdeur du latex et non un jeu d'acteur. Alors on s'en fout de l'identité d'un acteur incapable de jouer. Tout son corps est raide, lent, guindé. Il n'est pas prisonnier de l'héroïne, mais du latex. Les acolytes de Vissotsky semblent contaminés par ce problème et leur jeu est soit caricatural (le bouffon Panine), soit guindé (Urgant), soit franchement mauvais (tous les autres). Seuls les deux officiers du KGB (Smolyakov et Iline) se distinguent par un vrai jeu d'acteur. Mais il faut souligner qu'on leur a écrit des rôles plus fouillés, moins prévisibles et non manichéens. Le vrai héros du film, c'est ce colonel du KGB joué par Smolyakov, qui finit par sauver tout le monde dans un grand geste d'abnégation. L'abnégation, c'est aussi un trait de cet autre colonel du KGB, devenu leader national russe, et qui a décidé de sacrifier tout le reste de son existence au service du peuple. Clin d'oeil zélé au mythe le plus imbécile de l'histoire contemporaine russe, selon lequel le KGB était la seule institution solide et moralement propre du pays. D'où le désagréable parfum politique du film : Vissotsky représente une dissidence composée d'égoïstes irresponsables prêts à sacrifier la vie et la liberté de leurs proches pour une dose de blanche. Est-ce le message des auteurs à un public actuel agité par la dissidence anti-Poutine ?
Pourquoi pas... le film est produit, porté à bout de bras par Pervy Kanal, la chaine télé n°1 du pays et appartenant au Kremlin.

4 commentaires:

  1. Sens critique évident mais propension indéniable à manier l'insulte.

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  2. et vous que pensez vous du film?

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  3. @ 1er commentaire
    Vous êtes du KGB ?

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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