vendredi 31 août 2012

Nikita Mikhalkov tourne une adaptation de "Coup de soleil" de Bounine

Le quotidien Vedomosti révèle que la ville de Gorokhovets est paralysée par le tournage du prochain film de Mikhalkov. Basé sur une nouvelle du grand écrivain russe blanc, il s'agit, selon Mikhalkov, d'un "petit budget" (pour changer). Aucun acteur célèbre n'y figure. Tout à fait étonnant ! Serait-il revenu 30 ans en arrière ? Que nenni. C'est la mode, paraît-il. Coppola et Scorcese aussi font dans l'ascèse. En attendant, la ville de Gorokhvets étouffe. On attend une visite de Poutine, ami semble-t-il de Mikhalkov. "Les gens du FSB ou du FSO [organes affectés à la sécurités des personnalités russes] sont venus chez moi avec des chiens renifleurs de bombes", raconte une habitante. "Ils ont visité toutes les maisons". Espérons qu'ils n'aient pas dérangé les gens pour une énième daube du camarade Mikhalkov, qui depuis 15 ans s'intéresse davantage au business et à la politique qu'au 7ème art.

Кококо (2012) Le peuple et les intellos font bon ménage - **

Saint-Pétersbourg. Une trentenaire ethnographe de bonne famille (Mikhalkova) s'éprend d'une jolie jeune femme (Troïanova) aux manières très "prolo" débarquant de 'Yo-Bourg' (littéralement 'Fuck-City', surnom de Ekaterinbourg). Elle l'invite chez elle et commence une cohabitation mouvementée entre deux femmes que leurs cultures et mentalités... bref, tout oppose, bien qu'elles vivent dans un même pays. Mikhalkova, prisonnière de ses complexes, est tout à tour séduite (en tant que femme frustrée) et fascinée (en tant qu'ethnologue) par la rudesse et la simplicité des moeurs de Troïanova 'Хабалька", qui prend rapidement ses aises à Saint-Pétersbourg.

Sujet ultra rabâché par le cinéma, ce 'Crocodile Dundee' à la russe souffre de longueurs et d'une réalisation (Avdotia Smirnova) dépourvue d'imagination. Le film cale après les quinze premières minutes (après l'étonnement causé par l'adoption insensée de Troïanova par Mikhalkova) dans un train train quotidien, lassant, fait de papoteries féminines et de non-événements issus d'un journal intime. Rien de surprenant venant de Smirnova (épouse du célèbre politicien Anatoli Tchoubaïs), qui dans le proche passé nous a infligé un nullissime Два дня (deux jours) et réalise (ou scénarise) en général des feuilletons pour la télé.

Après Волчок, Troïanova n'avait déjà plus rien à prouver en matière d'interprétation de beauté provinciale (elle joue quasiment le même rôle). On ne peut pas en dire autant de Mikhalkova, qui doit son rôle à son amitié avec la réalisatrice. Mikhalkova... non, désolé, je n'y crois pas une seconde. Elle n'est pas faite pour interpréter une intello pétersbourgeoise. Tout en elle crie : 'Je suis une moscovite bien nourrie, pétée de thunes et je n'ai besoin de rien ni de personne'. Contente d'elle-même, les pieds fermement plantés dans un confort matériel et la tête pleine de bon sens reposant. Où est la détresse dostoïevskienne ? Où est le doute, la fragilité, l'exubérante folie de Saint-Pétersbourg ? Si elle était contrainte d'employer Mikhalkova, Smirnova aurait du en faire un agent immobilier dans un décor moscovite. Laissez donc Piter hors de ces papouilleries de sitcom.

Волчок (2009) Le Nouveau Drame se penche sur l'enfance - ****

Surnommée 'Toupie' par sa mère - perpétuellement absente - une gamine grandit dans l'isolation et la souffrance. Elle est toute entière définie par ce manque d'affection maternelle. Elle tourne, tourne, prisonnière d'une spirale de malheurs. Victime d'un sort ingrat, la mère se venge sur sa petite fille, qu'elle ne supporte pas. Elle lui refuse la moindre marque d'affection, la pousse sciemment vers un destin tragique.

Yana Troïanova joue de manière convaincante la mère brutale, égoïste et alcoolique de 'Toupie'. Son personnage est infiniment réaliste. C'est la province russe, désespérante, abandonnée des Dieux.  Troïanova est dirigée par son mari, Vassili Sigarev, connu pour faire partie du Nouveau Drame, ce courant théâtrale focalisé sur la Russie d'Aujourd'hui, qui en parle sans fard, avec un réalisme passionné. Sigarev reste fidèle au principe du Nouveau Drame : le langage est châtié, les dialogues ne sont pas soignés, embellis : ils sont brut de décoffrage. Pas d'explications, pas de morale, la vie de Toupie est narrée de son point de vue, avec parfois la voix off de Toupie devenue adulte, jetant un regard sur son enfance (avec la voix de Yana Troïanova...).

La caméra de Sigarev ne tremble pas, n'utilise pas de procédés stylistiques empruntés à tel ou tel courant cinématographique. Il semble uniquement préoccupé par la narration la plus subjective possible de cet enfant à moitié abandonné (à moitié seulement... notez que 'Волчок' désigne à la fois la toupie et le chien-loup... la gamine est à moitié apprivoisée seulement).

mardi 28 août 2012

Портрет в сумерках (2011) passion crépusculaire ****

Descente aux enfers d'une jeune femme lambda. Dans la Russie d'aujourd'hui. Mépris, vol, viol. Un traumatisme qui ne parvient pas à se transformer en vengeance, et tourne à la passion.

Dans ce "portrait au crépuscule", difficile de ne pas voir, au-delà du drame individuel, un cri de rage contre le délitement social que traverse le pays. Inévitablement, la polémique jaillit : "film anti patriotique". La Russie est dépeinte sous un angle "fin de vie". Rien ne va plus. Rien à quoi se raccrocher.

Il n'y a rien d'invraisemblable dans ce film. On ne peut pas l'attaquer comme un mensonge. On l'attaque parce qu'il ne veut pas donner d'espoir. Or, cette critique vient de personnes attachées au rôle paternalistedu cinéma : il doit prendre le spectateur par la main. Lui parler des problèmes, mais surtout lui montrer la solution.  Ce n'est pas le cas dans ce film. Ici, le ton n'est ni pleurnichard, ni féministe revendicatif. On laisse le spectateur tirer lui-même ses conclusions. C'est bien mieux ainsi.

"Portrait au crépuscule", comme "Mon Bonheur", s'adresse aux adultes. Voici le problème, démerdez-vous. Vous savez ce qui vous reste à faire. Dans l'ambiance patrioticonne actuelle, mettre le doigt là où ça fait mal est déjà suffisamment courageux.

Ce film est le fruit du travail de deux femmes : la veuve du réalisateur Ivan Dykhovitchny (Olga), actrice principale, productrice et auteure de l'idée du film ; et la réalisatrice débutante Angelina Nikonova. Beau travail. Les personnages sont traités dans toute leur complexité, c'est-à-dire sans simplification ni exagération. Olga Dykhovitchnaïa interprète subtilement une psychologue impénétrable à elle-même. Ses yeux fouillent le crépuscule, voient au-delà des apparences, les bords coupants de l'existence.


режиссер Ангелина Никонова
сценарий Ольга Дыховичная, Ангелина Никонова
продюсер Леонид Огарев, Ангелина Никонова, Ольга Дыховичная
оператор Эбен Булл
композитор -
монтаж Елена Афанасьева
жанр драма, мелодрама
сборы в России $154 098
зрители 25.7 тыс.
премьера (РФ) 10 ноября 2011, «КиноБарабан»
релиз на DVD 18 января 2012, «Кармен Видео», ...
время 105 мин. / 01:45

dimanche 26 août 2012

Дом (Олег Погодин, 2011) marre du patriarcat ! ***

Dom (la maison), est le dernier film du grand acteur Bogdan Stoupka, qui, symboliquement, meurt à la fin.

Cette maison, ce foyer dirigé d'une main de fer par un patriarche, dans la steppe du Sud de la Russie, illustre le fonctionnement du pouvoir dans ce même pays. Et rien ne va plus. La famille se délite, les individus ne se comprennent plus depuis longtemps, ne se respectent plus, tout ne tient qu'à un fil. Et les ressources de la famille viennent du frère aîné, absent depuis 25 ans, parti à Moscou, devenu parrain du crime.
Il revient pour les 100 ans du grand-père. Avec des tueurs aux trousses.

Oleg Pogodine filme une parabole du pouvoir crispé sur ses prérogatives, incapable d'évoluer vers une structure stable et pérenne. Ce n'est pas un film politique, car, hormis la structure symbolique, aucune référence n'est faite à la politique russe. La plupart des spectateurs n'y verront qu'un drame psychologiques couplé d'un film d'action.

Bogdan Stoupka et Sergueï Garmash jouent comme toujours à perfection. Elena Rednikova, magnifique brune trentenaire, toujours aussi belle qu'il y a 10 ans, aurait tout à gagner de se choisir des bons scripts au lieu de gâcher son talent dans des séries B. Quelque soit la situation dans laquelle elle apparaît à l'écran, l'érotisme domine le reste. Dans son rôle archétypal de femme frustrée laissant échapper sa rage dans les bras d'un jeune amant imbécile, elle est irréprochable.

Globalement, le film est correctement construit. C'est-à-dire que la fonction distrayante est remplie. Le traitement relationnel n'échappe pas à quelques clichés, mais sans grosse erreur. Malheureusement, deux éléments invraisemblables gâchent l'ensemble : Garmash sait qu'il a des tueurs extrêmement dangereux aux trousses, pourquoi les attire-t-il chez ses parents, dans sa famille qu'il aime, nourrit et prétend vouloir protéger ? Nulle part on ne sent chez lui le désir d'anéantir les siens. Un homme dans sa situation désespérée ne ferait pas une erreur pareille. Et puis transformer un centenaire paralytique en shakhid sauvant sa famille, quelle bêtise ! Où comment déraper dans le ridicule et gâcher un scénario autrement bien ficelé.

vendredi 24 août 2012

Sebrennikov et Balabanov à la Mostra de Venise

http://www.kinoglaz.fr/u_fiche_evenement.php?num=1617

Trois films russes seront montrés cette année à la 69ème Mostra de Venise :
- L'Adultère (Измена), 2012, de Kirill SEREBRENNIKOV (Кирилл СЕРЕБРЕННИКОВ),
- Je veux aussi (Я тоже хочу), 2012, de Alekseï BALABANOV (Алексей БАЛАБАНОВ),
et le documentaire :
- Anton est ici, tout près (Антон тут рядом), 2012, de Lioubov ARKUS (Любовь АРКУС)

décès de l'acteur Bogdan STOUPKA (Богдан СТУПКА)

Bogdan STOUPKA (Богдан СТУПКА) est décédé à l’âge de 70 ans 
Cette personnalité du cinéma ukrainien a tourné dans plus de 90 films, dont quelques grands films comme 'Deux en un' de Mouratova, 'Est-Ouest' de Wargnier et 'Svoi' de Meskhiev.

Extrait de la filmographie (source : kinoglaz.fr)
 2011 - La Maison (Дом) de Oleg POGODINE [fiction, 120 mn]
2011 - Les Lumières du bordel (Огни притона) de Aleksandr GORDON (2) [fiction, 108 mn]
2010 - Ivanov (Иванов) de Vadim DOUBROVITSKI [fiction, 170 mn]
2009 - Taras Boulba (Тарас Бульба. Запорожская сечь) de Vladimir BORTKO [fiction, 100 mn]
2009 - Chantrapas (Шантрапа) de Otar IOSSELIANI [fiction, 122 mn]
2009 - L'Oiseau-Gogol (Птица-Гоголь) de Leonid PARFIONOV [documentaire, 78 mn]
2007 - Deux en un (Два в одном) de Kira MOURATOVA [fiction, 124 mn]
2007 - Les Trois et le flocon de neige (Трое и снежинка) de Pavel BARDINE , Mguer MKRTCHIAN [fiction, long métrage]
2007 - 18-14 (18-14) de Andres PUUSTUSMAA [fiction, 95 mn]
2007 - Les Cadets (Юнкера) de Igor TCHERNITSKI [fiction, série TV, 400 mn]
2006 - Le Lièvre au dessus du gouffre (Заяц над бездной) de Tigran KEOSSAIAN [fiction, 97 mn]
2005 - Force de choc 6 (Убойная сила 6) de Ouliana CHILKINA [série TV]
2004 - Un chauffeur pour Véra (Водитель для Веры) de Pavel TCHOUKHRAI [fiction, 112 mn]
2004 - Les Nôtres (Свои) de Dmitri MESKHIEV [fiction, 100 mn]
1999 - Est-Ouest (Восток-Запад) de Régis WARGNIER [fiction, 121 mn]
1987 - Daniel de Galicie (Даниил - князь Галицкий) de Yaroslav LOUPI [fiction, 100 mn]
1971 - L'Oiseau blanc marqué de noir (Белая птица с черной отметиной) de Youri ILIENKO [fiction, 99 mn]

jeudi 23 août 2012

Край (2010) la beauté des limites, ***

Sibérie, taïga, pendant la deuxième guerre mondiale. Un conducteur de locomotive vétéran, gravement blessé à la tête pendant les combats, est assigné dans un trou perdu. Il tombe sur une Allemande surprise par la guerre en 1941, et qui, sans retraite possible, se cache depuis le début du conflit. Leur relation provoque une explosion de violence alors que la terreur stalinienne règne...

Alexeï Uchitel a probablement voulu faire un film pour l'export, dans la lignée du "Barbier de Sibérie" de Mikhalkov. Il s'est visiblement planté, n'a pas été remarqué à l'étranger du tout. Pourtant, le film se regarde facilement. Trop sombre pour les écrans américains, trop désespéré sans doute. Mais les ingrédients habituels sont disposés et apprêtés avec talent par une photographie et un montage très sûrs et privés des tics à la mode (effets, clipage, etc).

Comme d'habitude chez Uchitel, les personnages ont un côté caricatural et schématique, ils sont trop prévisibles. Il n'a pu s'empêcher de faire de Machkov un macho surhumain. Seul Garmash dans son rôle de super salaud archétypal s'en sort bien, car malheureusement ces personnages ont réellement existé. Garmash incarne parfaitement l'époque.

Uchitel abuse un peu des fumées et des sirènes, qui donnent un aspect superfétatoire. Mais d'un autre côté, il nous offre quelques unes des scènes érotiques les plus réussies depuis une décennie. Grâce surtout à l'actrice Yulia Peresild, visiblement très à l'aise et naturelle (on ne peut pas en dire autant de Machkov). Peu de réalisateurs russes ont osé pénétrer dans un bania (bain russe) féminin. Lequel apparaît comme un paradis tout à fait improbable dans ce trou à rat sibérien. Il y a quelque chose d'une parabole dans cette beauté paradisiaque accessible au bout du monde. Quelque chose qui me parle.

mardi 21 août 2012

Мой папа Барышников (2011) Mon père, c'est Baryshnikov ! ****


Pas de Perestroïka pour Boria, un gamin rêvant de devenir danseur étoile au Bolchoï. Pour l'instant, il est le canard boiteux de sa classe de danse, et la ballerine vedette de l'école, qu'il aime éperdument, l'ignore somptueusement. Alors que tout semble vraiment mal s'engager pour Boria, il s'auto persuade qu'il est le fils de Baryshnikov.
Cette comédie douce-amère recrée l'ambiance frugale et morose de l'ère gorbatchévienne, où les rêves décuplent proportionnellement à la frugalité croissante de l'existence. Les réalisateurs Dmitri Povolotski et Mark Drugoi font passer le message via une voix off : les coups que Boria prend sur la gueule, parfois mérités mais le plus souvent injustes, l'ont sorti de ses rêves et lui ont permit de réussir dans l'ère suivante. On ne l'a pas laissé atteindre l'excellence en matière artistique. Il a développé un talent dans les affaires. S'est payé le Bolchoï. Son nom est finalement sur l'affiche.
En filigrane, une histoire de juif russe, punit d'être "spéculateur", trop malin, trop indépendant, et qui prend sa revanche en devenant oligarque lorsque le régime bascule.
Les amateurs de ballets trouveront certainement une tapée d'imperfections dans les pointes du jeune Dmitri Vyskoubenko, mais son interprétation épate. Il est juste de bout en bout et porte tout le film sur ses frêles épaules.