dimanche 16 octobre 2011

Бабло (l'oseille) comédie/polar plongeon négativiste ***

Tout au long du film, j'ai senti un profond dégoût pour la Russie et l'Ukraine, où se déroule l'action du film. Pourquoi ? Pas un seul personnage sympathique dans le film. Ce ne sont que bandits cruels, généraux vénaux, policiers corrompus, prostituées, hommes de main débiles, et tous, tous sans exception se trahissent les uns les autres pour du fric. Pas une seule qualité humaine n'apparaît, hormis peut-être un courage physique qui n'est engagé que pour ramasser une mallette contenant un million de dollars. Ce million de dollars, vous l'avez déjà compris, est le personnage principal du film, tourné sur un scénario moyennement ficelé (ça devient confus à la fin du premier tiers) et surtout archi rebattu, puisque tout le monde court après cette mallette.

Bouslov fait basculer le polar russe dans le négativisme absolu. C'est la première fois qu'un film me donne le désir dès les premières minutes, de me casser de cette région du monde où j'ai passé 10 ans. "Tous pourris !" dit le film, en somme. Comment peut on penser à faire des enfants dans un contexte pareil, où la vie humaine n'a pas la moindre importance et où la seule motivation des personnages est l'argent criminellement acquis ? Je suis certain que cela ne vient pas d'un désamour personnel pour la Russie (je n'ai aucunement envie de rentrer en France), mais plutôt d'une volonté délibérée d'appuyer sur un problème moral qui a atteint des proportions pharaoniques. De ce point de vue-là, Bouslov prend un gros risque personnel, car je ne suis pas le seul à percevoir une antipublicité pour la Russie. Il y a bien sûr les simples d'esprit qui passent un bon moment à rigoler, puis rêvent d'imiter ces nouvelles idôles de la décrépitude, mais d'autres, des décideurs et Tartuffes en tout genre, vont s'offusquer qu'on montre de leur patrie un visage aussi grêlé. Même le téméraire provocateur Balabanov veille à trouver dans (certains de) ses héros des aspects positifs, de la compassion, de l'amour, du désintéressement, de l'amitié... dans le noir absolu, il y a toujours un ou deux personnages qui se distinguent, soit des victimes innocentes, soit des hommes blessés cherchant la rédemption. Rien de tel dans ce film, et n'attendez pas de fin positive.

Ce négativisme absolu rappelle Ma joie de Sergeï Lozan, sorti l'année dernière. Ce n'est déjà plus un simple signe du temps, c'est une tendance du cinéma russe et un signal à la société. Le cinéma renvoie une image terrifiante de la Russie d'aujourd'hui.

Chose surprenante, Bouslov verse très peu de sang dans ce film criminel. C'est un aspect très original quand on observe la tendance épouvantablement graphique que suit l'industrie du cinéma. Ici, on ne verra que du sang maculé sur les murs après l'unique fusillade (située au 3ème étage d'un hôtel, mais filmée depuis la rue : on ne voit rien d'autre que des ombres, tout est au niveau de l'audition - une scène très réussie !).

Le côté comédie déçoit, car on ne rigole pas souvent. Le seul gag très réussit à mon avis confronte deux flics sidérés par la corruption de l'autre. Le reste du temps, quelques situations comiques apparaissent, mais on reste surtout dans le registre de la surenchère de grossièretés. Il faut une très bonne culture de l'argot criminel russe, car moi qui comprends bien les Balabanov par exemple, j'ai loupé un paquet d'expressions.  

Quelques aspects positifs : c'est un premier film. Le réalisateur Kostia Bouslov, frère cadet de Piotr Bouslov, a réussit une réalisation haletante. Le rythme est parfait pour l'action. On ne s'ennuie pas une seconde. Les acteurs sont utilisés à bon escient, c'est juste et pas surjoué, pas de clichés inutiles, et les acteurs ne sont pas des stars fatiguées, mais des seconds couteaux de séries télévisées. Bouslov junior a donc fait des économies sans pour autant nuire à la qualité du jeu. Plusieurs personnages se font remarquer comme d'excellent "rôles de caractères", avec des voix et charismes étonnants. Mais bon sang qu'ils sont tous répugnants...

mercredi 12 octobre 2011

5 fiancées / Пять невест (2011) néo soviéticon *

La demoiselle m'accompagnant a "trouvé ça chouette", ça lui rappelle "les bons vieux films soviétiques où les gens sont plein de bons sentiments" "des films que je peux revoir cinq fois". Moi, je ne peux pas. Une fois, c'est déjà suffisamment pénible. Voyez-vous ça ; 5 soldats aviateurs et camarades en 1945, stationnés en Allemagne et non démobilisés par Staline. Ils crèvent d'envie de baiser (le film voile hypocritement ce désir par une volonté de se marier), mais pas une femme à l'horizon (les Allemandes ont-elle été vaporisées ?). Alors ils décident de se marier par contumace et confient leur passeport à l'unique d'entre eux bénéficiant d'une permission. Il va devoir jouer cinq fois le fiancé, enfiler cinq bagues à cinq fiancées fidèles et débordantes d'amour, le tout en deux jours, sans niquer personne, sans voir un bout de téton.

Le plat principal (l'humour) est servi réchauffé. Ce n'est qu'une succession de gags idiots, prévisibles. Du mauvais cinéma populaire pour idiots mal sevrés du soviétisme (pardon Katia, mais tu n'as que 20 ans). Les rôles sont caricaturaux, absolument pas crédibles. Point d'invention, de fantaisie, de poésie. Point de désir sexuel.Tout ce qu'ils veulent, hommes ou femmes, c'est un mariage ! C'est l'idée fixe des femmes, elles sont dans ce film rigoureusement incapables de penser à autre chose. Seule parenthèse de réalité dans se film, l'intervention d'une punaise du NKVD, qui enquiquine un peu le héros, mais pas pas trop. Finalement, sous Staline, c'était sympa. Je manque d'humour, pensez vous. Mais comment peut on se gausser à se point de l'histoire, et du problème des centaines de milliers de femmes allemandes violées par l'armée rouge ? Or, on sait que dans la Russie d'aujourd'hui, évoquer ce thème tabou, c'est se faire automatiquement taxer de "néo-nazi" ou au mieux de révisionniste. En gros, ce film est là pour dire qu'il n'y avait pas d'Allemandes en Allemagne en 1945.

Les symptômes d'amnésie sont nombreux. D'après ce film, la guerre n'a rigoureusement rien détruit (on est en mai 1945... en principe, la fumée voile encore le soleil) mais tout le monde il est heureux et les grasses mottes de foin cachent l'horizon. Pas un éclopé, pas un blessé, personne n'est ravagé par le chagrin, pas un ennemi, pas un collabo, pas un rescapé des camps... Pas un seul plan sur les ravages des boches en terre slave. RIEN! l'action se passe à Smolensk, où la population soviétique a horriblement morflé. Le genre comédie légère n'oblige pas cacher frénétiquement toutes les émotions négatives. Sinon, on choisit un autre cadre temporel.

La déconnexion totale de la réalité a quelque chose d'insultant pour la mémoire. Nous parlons d'une des guerres les plus massives et les plus atroces de l'histoire de l'humanité, et pas une seule stigmate sur la pellicule. Cette comédie révisionniste avilit le cinéma russe, car elle sort dans un contexte de mépris global de la réalité historique, de déni des horreurs et injustices de Staline (ceux qui ont vu l'Allemagne de trop près, héros ou pas, hop, direction Goulag), et de néo stalinisme rampant... Alors ce film, qui ne m'a pas fait rire une seule fois, ce film pue.