vendredi 5 juin 2015

Sous les nuages électriques (Под электрическими облаками) 2015 *****

Nous sommes en 2017. Quelque chose cloche sévèrement. Les personnages flottent dans une réalité bizarre. Le pays semble au point mort. La guerre est au coin de la rue, mais on n’entent pas encore son vacarme. Nous nous trouvons sur un territoire post-soviétique, mais difficile de dire avec certitude qu’il s’agit de la Russie. On parle bien russe, et les statues de Lenine tiennent encore debout. Mais on sent qu’il risque de chuter une seconde fois. 



“Sous les nuages électriques” est une réflexion en six tableaux d’Alexeï Guerman Jr, l’un des cinéastes russes les plus intéressants et originaux de sa génération. Le film est inracontable. Il n’y a pas de trame, plutôt des personnages-symboles évoluant dans un univers quasi onirique. Les personnages paraissent symboliser des états d’esprits, des étapes dans la croissance d’un individu, plutôt que des personnes réellement distinctes les unes des autres. 

Un oligarque est mort, laissant inachevée un gratte-ciel qu’il voyait comme le projet d’une vie. Ses enfants observent, désemparés, les vautours voler en cercle autour de la réalisation paternelle. Un travailleur immigré ne parlant pas le russe cherche quelque qui puisse réparer son magnétophone. Autour, on tue, on s’ennuie, on se drogue, on rêve ou on s’échappe dans une reconstitution de bataille moyenâgeuse. 




On sent bien sûr l’influence de Guerman senior dans ce language cinématographique. Mais Junior a déjà formé son propre style il y a une décennie, et il progresse rapidement. Le film devait sortir en 2013, mais la longue maladie du père a obligé le fils a travailler d’arrache-pied pour finir “Difficile d’être Dieu”, sorti l’année dernière. “Sous les nuages électriques” devrait être la dernière co-production russo-ukrainienne pour longtemps. Junior a expliqué qu’une bonne partie de son équipe ukrainienne est partie combattre sur le front à la fin du tournage.