Le mois de novembre offre comme chaque année deux rares occasions pour les cinéphiles français de voir les dernières sorties de films russes.
Regards de Russie
du 14 au 20 novembre 2012 au cinéma « l’Arlequin » (76 rue de Rennes - 75006 Paris, Métro St Sulpice).
et dans la foulée :
Le XXe Festival du Cinéma Russe à Honfleur
du Mardi 20 au Dimanche 25 Novembre 2012
Les programmations des deux festivals comptent plusieurs films en commun, ce qui va ôter à quelques parisiens le désir de pousser jusqu'à Honfleur.
Commençons par la semaine du cinéma russe à Paris. Le festival ouvre avec le dernier Lounguine
"Le Chef d'orchestre", dont nous avons parlé (sans grand enthousiasme) dans ce blog le mois dernier.
L'actrice et réalisatrice Renata Litvinova est également en vedette avec "Le dernier conte de Rita", une fable très personnelle de l'actrice la plus maniérée et la plus surprenante du cinéma russe. Nous en reparlerons bientôt.
Autre film intéressant : "Les désoeuvrés" du prometteur Andreï Zaitsev. Il n'a pas su entrer de plain pied dans la fiction, sa réalisation reste trop empreinte de tics documentaires, mais ce film reste une des productions les plus intéressantes de l'année qui s'achève.
Je n'ai pas vu les trois films sélectionnés à Paris mais pas à Honfleur (Le face à face, de Sergueï Komarov ; le papillon d'acier de Renat Davletiarov et le Transfert d'Alexeï Mizguirev. J'ignore même s'ils sont déjà sortis à Moscou. La semaine parisienne présente aussi deux court-métrages et quelques films pour les enfants. Enfin, les amateur d'Alexandre Sokourov pourront voir ses deux oeuvres les plus intéressantes (mais aussi les plus ardues) de la décennie passée (Faust, 2011) et (Soleil, 2004).
Passons maintenant à Honfleur
Le
festival fête cette année ses 20 ans et accordera pour l’occasion une
place importante à l’histoire. Pour contrebalancer ce sujet si sérieux,
une importante programmation de films d’animation est offerte au jeune
public. Histoire de prouver que l’école russe d’animation conserve tout
son pouvoir de fascination et sa force poétique, malgré une diffusion
restreinte. Sept films font partie de la sélection officielle. Une
seconde sélection présente quatre premiers films.
La sélection “Un
nouveau regard sur l’histoire” va révéler au public français la manière
dont les cinéastes russes racontent le passé. Et c’est symptomatique :
trois films sur la 2ème guerre mondiale, un film inspiré par la récente
guerre avec la Géorgie en 2008. Et le “Concert”, une coproduction
franco-roumaine avec l’acteur Alexeï Gouskov très remarquée par le public
français lors de sa sortie en 2009. Ce dernier sera présent au festival
avec son nouveau film “4 jours en mai”, qui fait partie de la
sélection principal. Ce film - également centré sur un épisode
douloureux de la seconde guerre mondiale - ne devrait pas à Honfleur
susciter des débats aussi houleux qu’en Russie. Les autres oeuvres
sélectionnées - à l’exception de “l’admiratrice”, inspirée de la vie
d’Anton Tchekhov - se déroulent dans le monde contemporain. “Kokoko”
d’Avdotia Smirnova raconte la collision entre une intellectuelle
péterbourgeoise un peu coupée des réalitées et une provinciale
dévergondée mais fauchée. Elles s’éprennent l’une de l’autre, mais les
hommes sèment des embûches dans leur amitié improbable. Une comédie sans
prétention où le talent de la pétillante Yana Trovanova saute aux yeux.
“La Journée d’un prof” de Sergueï Mokritsky suit également l’évolution
d’un modeste intellectuel, celui-là bien au contact de la réalité russe,
et qui proteste contre la dégradation de la culture, avec des côté Don
Quichotte. “Voilà ce qui m’arrive”, de Viktor Shamirov, parle sur un ton
léger, ironique, d’une toute autre catégorie d’individus : les parvenus
moscovites. Gocha Koutsenko, acteur très populaire, incarne un père
pris dans les difficultés de communication avec sa fille, qui doute des
valeurs matérielles et qui semble gagné par une nostalgie de la Russie
soviétique. Un film clairement associé à la tradition des toiles du
Nouvel An, c’est-à-dire des comédies intemporelles. Dans “Je serai près
de toi”, on passe à la tragédie lacrymale. Le destin brise la vie
d’Inna, jeune mère célibataire, atteinte d’une maladie incurable. Il lui
reste peu de temps pour trouver les parents adéquats capables d’adopter
son fils. “Récits”, de Mikhaïl Segal, touche au thème de la littérature
et à son influence mystérieuse et irrésistible sur la vie de
personnages contemporains. Une comédie légère avec un scénario original
soulignant les liens étroits entre les Russes et leur littérature. Les
grands romans russes n’ont ils pas fortement contribué à modeler ce pays
? Certainement davantage que le cinéma, en tous cas.
Dans
la catégorie des débuts, la sélection est inégale. “Ils sont tous
partis” est l’excellent démarrage dans la fiction d’un réalisateur au
nom exceptionnel : Gueorgui Paradjanov. Neveu du génial Sergueï
Paradjanov, réalisateur iconoclaste (Chevaux de feu, Couleur de la
grenade) et dissident connu dans le monde entier. Gueorgui poursuit sur
les traces de son oncle avec une oeuvre originale, métissage arménien et
géorgien, recherche des racines, poésie indescriptible et folie toute
caucasienne. “Ivan atomique” est une comédie passable visiblement
destinée à rassurer le public russe sur l’inocuité de l’énergie
nucléaire. “Sa fille”, d’Alexandre Kassatkine et de Natalia Nazarova,
est un drame émouvant sur le deuil d’une jeune femme dans la province
profonde. Ce film a déjà remarqué et récompensé par la critique, avec un
meilleur prix du premier film au festival Kinotavr de Sotchi et un prix
de la critique FIPRESCI à Varsovie cette année. Reste à réunir les
conditions pour que ce film rencontre un public nombreux hors du circuit
honorable mais peu rentable des festivals. Espérons qu’il trouvera un
distributeur français courageux à Honfleur !
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